Texte intégral Jacques Fernique,
Les écologistes ont joué, jouent et joueront un rôle majeur dans la démarche pour le Conseil Unique d’Alsace. Parmi les forces politiques en présence, l’écologie en Alsace est assurément celle qui depuis le tout début agit de façon rassemblée, unie, cohérente et constante dans cette grande affaire d’Alsace. Cette place clairement lisible, que prennent les écologistes dans ce débat résulte naturellement du projet écologiste.
En effet, l’écologie est par nature décentralisatrice, l’écologie est indissociable d’une forte idée régionale qui permettrait démocratie et efficacité pour l’action publique en articulant orientations stratégique forte de la Région avec l’initiative et les déclinaisons concrètes dans les territoires de proximité (les pays, les intercommunalités, les agglomérations).
Les aspirations aux transformations concrètes portées par les écologistes (transition énergétique, mutation écologique de l’économie, transports sobres, biodiversité) nécessitent une vraie République des Territoires dont les principes doivent être l’autonomie, la coopération et la solidarité. Les écologistes sont les mieux placés pour savoir que les grandes directives européennes et nationales sont vaines voire parfois contre-productives si elles ne profitent pas d’un pilotage de proximité, d’adaptations locales pertinentes, de la dynamique territoriale résultant d’une bonne subsidiarité. Je peux citer quelques exemples de ces grandes orientations européennes et nationales qui ont besoin d’initiatives et de dynamiques territoriales : on ne détruit plus des zones humides essentielles ou on doit passer à 23% d’énergies renouvelables dans notre consommation pour 2020, ou encore 20% de la SAU en agriculture biologique, ou encore qu’en 2022 le quart des marchandises doivent être transportées autrement que par la route ou par l’avion. Toutes ces belles intentions restent largement vaines si les territoires n’agissent pas
Ce n’est pas par la logique jacobine d’une décentralisation octroyée par l’État que passera la nécessaire transformation écologique de l’économie et de la société. Le changement écologique ne se fera pas dans le cadre de la mise en concurrence généralisée des territoires, de la compétition des métropoles, d’un développement anarchique intenable qui creuse les inégalités, les gaspillages financiers et écologiques.
Ces logiques sont à l’œuvre depuis des décennies : pour notre Alsace étroite, vulnérable, dont les atouts économiques ont été si malmenés ces dernières années on ne peut pas continuer comme ça. Pas besoin d’être écologiste pour en convenir. L’aspiration au renforcement régional, à l’optimisation des politiques publiques, à leur mise en cohérence est aujourd’hui largement acquise. Je ne parle pas du grand public : je parle des élus locaux, des praticiens de l’action publique, des acteurs associatifs, économiques, culturels, des commentateurs avisés. Personne parmi ceux là n’est satisfait pour l’Alsace du système actuel en trois collectivités cloisonnées dont l’articulation avec les territoires de proximité est bien peu évidente ; personne n’affirme sérieusement que l’éclatement institutionnel d’aujourd’hui soit efficace et performant face aux enjeux des crises que nous affrontons. Si les écologistes sont peut-être parmi les plus impatients d’un nouveau pacte institutionnel qui passera ici par l’avènement de la Collectivité Territoriale d’Alsace, c’est parce que le projet écologique nécessite de penser global mais aussi et surtout d’agir local. Dans les territoires, il y a de formidables ressources d’inventivité, de solutions plurielles, de projets, d’expérimentations collectives. Ce potentiel trouve sa vitalité par son articulation aux cultures, aux histoires, aux spécificités locales et régionales. Voilà ce qui est étouffé par le jacobinisme. Voilà ce qui est sapé par cette mise en concurrence généralisée des territoires incapable d’organiser coopération et solidarité, générant un coût exorbitant et inefficace pour les finances publiques.
Alors oui, les écologistes d’Alsace sont partisans, promoteurs du projet de Conseil Unique, de cette collectivité territoriale nouvelle qui fusionnera et remplacera les 2 Conseils Généraux et le Conseil Régional. Les écologistes vont voter et faire voter oui.
Pour bien vous faire comprendre notre apport dans la genèse du projet, ce que nous en attendons, les problématiques et les enjeux qui sont devant nous, pour passer l’étape du référendum, puis celle de la loi spécifique, enfin pour dans deux ans tout ce qu’il faudra anticiper, préparer, mettre en place avant qu’une nouvelle majorité conduise la nouvelle collectivité, pour bien faire comprendre la démarche je vais commencer par un retour en arrière.
Les écologistes étaient dès 2009-2010 totalement opposés à la loi UMP qui programmait l’émiettement des régions, mettait à mal la parité et imposait le bipartisme par le scrutin uninominal. Ils refusaient les pratiques jacobines, les tendances recentralisatrices, et la mise sous tutelle budgétaire que la majorité sortante avait engagées sous Nicolas Sarkozy.
Les écologistes ont donc saisi d’abord le projet du Conseil d’Alsace comme une possibilité d’échapper par un régime particulier aux trois méfaits principaux de la loi générale : cantonalisation, non-parité et absence de proportionnelle.
L’intéressant, c’est qu’il y avait à l’époque, en Alsace, une certaine convergence politique pour que l’Alsace explore une voie originale afin d’échapper au régime commun.
A droite et au centre-droit d’abord, parce que les politiques alsaciens de ces courants sont en quelque sorte les seuls de toute l’UMP nationale à être concrètement impliqués dans la conduite d’une région : une région dont l’affirmation et le développement ont été conduits durablement par un Président hors du commun, Adrien Zeller. Autant les responsables nationaux de l’UMP n’étaient pas trop chagrinés de l’affaissement programmée des régions puisqu’elles sont quasi toutes à gauche, autant je n’ai jamais rencontré un responsable alsacien de droite me vanter avec sincérité et conviction les mérites de la réforme territoriale qui se serait appliquée si l’élection présidentielle s’était conclue différemment. Que ça soit dans les couloirs du Conseil Régional ou à l’ARF avec les autres Présidents de Région, Adrien Zeller faisait bien peu d’effort pour dissimuler sa totale opposition avec cette cantonalisation du fait régional. Son successeur a eu d’ailleurs une évolution assez significative, puisque c’est le même Philippe Richert qui était pourtant le Ministre en charge de cette réforme, le même qui avait fait sortir l’Alsace droitière de l’Association des Régions de France, qui s’est engagé dans la démarche du Conseil Unique pour faire échapper l’Alsace à cette autre fusion, régressive celle-ci, qui aurait donné aux Conseillers cantonaux le cumul automatique avec un mandat régional vidé de sens politique. Aujourd’hui, c’est cet ex-ministre de Sarkozy qui l’emporte haut la main à l’applaudimètre du Congrès de l’ARF quand il décrit la démarche pionnière de l’Alsace. Ce sont bien les socialistes des régions et leurs alliés écologistes qui l’applaudissent, et lui, d’une certaine façon en retour, ne se prive pas de vanter sa satisfaction de la façon dont François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Marylise Lebranchu engagent le travail avec les Régions.
Autrement dit, nous avons une UMP en Alsace qui était bien peu sarkoziste sur la question des régions. C’était bien beau de vouloir affaiblir politiquement les régions de gauche, mais la droite alsacienne n’était pas enthousiaste à l’idée que l’Alsace soit dans le lot des régions affaiblies. D’ailleurs, dit en passant, je me demande si certains en Alsace à gauche ne reprennent pas aujourd’hui le raisonnement sarkoziste : pourquoi donc faudrait-il renforcer fortement le niveau régional avec la Collectivité unique si c’est pour que ça soit l’inoxydable majorité alsacienne qui en tire les bénéfices ?
Nous avions donc avant la Présidentielle en Alsace une gauche qui ne voulait pas de la réforme sarkoziste, une droite à la Région qui préférait d’une certaine façon y échapper et l’ensemble des élus régionaux et généraux qui savaient qu’un calendrier électoral inédit faisait qu’en 2014 (ça sera 2015) les mandats de tout le monde arriveraient à échéance simultanément (je rappelle que les Conseils généraux se renouvelaient normalement par moitié) : cette convergence inédite a largement faciliter les choses pour avancer.
Depuis l’origine de la démarche, les écologistes ont maintenu la même ligne : le Conseil d’Alsace réussira si sa mise en place s’effectue avec résolution, dans la clarté et le consensus sans lequel rien ne serait possible et tout s’arrêterait.
« Résolution » : chacun des 2 Congrès successifs en ont adopté une qui ont permis de progresser par cliquet, jusqu’ici sans régression avec 101 voix puis 108 sur 122. Cette méthode de déclaration précise engageant le plus grand nombre, et même le terme choisi de « résolution » c’est le groupe des écologistes qui l’a proposé.
Être résolu signifiait qu’on ne pouvait pas faire semblant de faire le Conseil Unique. Ainsi, les écologistes n’ont pas voulu d’un simple « rapprochement » des collectivités existantes qui n’aurait été qu’un ersatz de Conseil Unique. Rappelez-vous ce que voulaient ceux qui ont le plus de peine à en finir avec le département comme pôle de la politique territoriale et qui ont bien failli tout bloquer dans la première phase organisant des réunions publiques dans le haut-Rhin pour bien montrer qu’ils n’entendaient pas changer grand chose : ils parlaient alors, en fait de Conseil d’Alsace, de rapprochement intercollectivités, d’une gouvernance par Congrès destinée à durer, mais surtout, surtout pas de « fusion » : il n’y avait guère en Alsace que les écologistes, Jo Spiegel et ses amis pour employer positivement et publiquement ce terme. Il y avait aussi la loi, puisqu’un régime spécifique n’était possible qu’en cas de fusion : on est donc arrivé, puisqu’il fallait bien s’engager dans l’opportunité légale à ce que Le Congrès du 1er décembre 2011 tranche pour une collectivité nouvelle en lieu et place des 3 anciennes. C’est ce que voulaient les écologistes.
Puis, il a fallu que la majorité UMP renonce à imposer son projet politique : la tentation était évidemment forte pour elle de profiter de son avantage résultant de ses victoires aux régionales et aux cantonales, pour emballer le projet institutionnel de Conseil Unique avec ses orientations, ses objectifs, ses politiques validés par les électeurs en 2010 et 2011 et ils l’espèrent reconduit au prochain scrutin régional. En opérant une telle confusion, ils auraient eu une majorité certes plus courte mais qui aurait évidemment écarté tous les socialistes et les écologistes. Cette tentation, Charles Buttner y a cédé dans un vote particulier de son seul Conseil Général, ça a d’ailleurs entraîné la rupture avec la seule femme de son exécutif, Brigitte Klinkert. Mais il l’a fait gratuitement puisque ça ne portait plus à conséquence car l’essentiel avait été fait auparavant au Congrès où les écologistes avaient obtenu que soit retiré du vote du Congrès le « projet stratégique pour l’Alsace » qui reprenait les objectifs propres à la majorité UMP actuelle (dont des adaptations locales au Droit du Travail, le développement maximum de l’aérien, celui des TGV, le retour du grand canal, des investissements autoroutiers, la compétition contre les autres régions, etc). Ce texte n’a pas été voté par le Congrès, il n’a eu le soutien que d’une majorité étroite du Conseil Général du Haut-Rhin, il n’engage donc pas les élus d’Alsace. C’est ce que voulaient les écologistes et c’est ce qui a permis de continuer à avancer dans un large consensus.
Ensuite, le résultat de l’élection présidentielle a changé le paysage politique national : cela aurait pu stopper la démarche alsacienne. En effet, la droite régionale a peut-être quelques raisons de redouter la perspective nouvelle que la loi spécifique sur la Collectivité Unique soit écrite et votée par la majorité socialiste et ses alliés écologistes. Ils étaient plus sereins quand ils pensaient que la plume de la loi serait celle de leur Ministre Philippe Richert. Cette inquiétude à droite, on l’entend clairement dans les récentes déclarations de Charles Buttner qui nous explique maintenant ses difficultés à signer par le référendum un chèque en blanc. Mais la gauche aussi pourrait bien retirer ses billes, puisque le fameux acte III de la décentralisation qu’on nous promet ne pourrait-il pas s’avérer satisfaisant en Alsace pour bon nombre de responsables de gauche qui n’envisagent pas véritablement la perspective d’un basculement politique régional en Alsace et sont bien plus impliqués dans leurs périmètres politiques municipaux et intercommunaux. C’est d’ailleurs à peu près clairement ce que disent les 2 parlementaires strasbourgeois de gauche qui ne sont pas au fond complètement opposés à l’idée d’un Conseil Unique mais préfèrent que cette démarche s’engagent posément, sans précipitation, « c’est prématuré » disent-ils, il faudra voir après que le gouvernement et ses assemblées aient bien fait leur réforme nationale et reconstruit les découpages et les modes de scrutins ce qui serait fort bien mais signifierait tout simplement que la mise en œuvre de la fusion serait reportée à l’horizon 2020.
Ces nouvelles façons de voir résultant de la présidentielle, même si elles font sans doute des dégâts, n’ont pas enrayé la démarche, pour deux raisons principales : d’abord la démarche était trop nettement engagée pour que des arrière-pensées politiciennes aient la force de l’arrêter, ensuite et peut-être surtout, la démarche alsacienne intéresse particulièrement au plan national et dans nombre d’autres régions.
Le Président de la République a clairement indiqué son choix favorable ; le gouvernement et les responsables parlementaires ont manifesté leur volonté de facilitation. En effet, d’autres régions suivent avec intérêt la démarche alsacienne qui est un peu pionnière de cette idée de Conférence régionale des pouvoirs locaux appelées à convenir pour chaque région des façons spécifiques, différenciées, voire des expérimentations, peut-être des fusions auxquelles la phase à venir d’approfondissement de la décentralisation ouvrirait la possibilité. En somme l’Alsace serait source d’inspiration pour cette démarche de décentralisation, de régionalisation différenciée. On a besoin de modèles positifs au moment où l’Acte III de la décentralisation n’est pas encore en place, alors qu’on pressent que des grandes avancées généralisées seront hors de portée, alors que la majorité peine à avancer en contrant les vétos des départementalistes contre les régionalistes, des tenants du rayonnement des grands pôles urbains s’opposant aux promoteurs des équilibres et de l’égalité des territoires, de ceux qui entendent rénover le statut des élus et l’exercice de leur mandat contre ceux qui voudraient prolonger le régime du cumul des mandats (qu’ils soient verticaux –parlementaires, exécutifs locaux- horizontaux –plusieurs exécutifs locaux simultanément –ou dans le temps –plus de 2 exécutifs consécutifs).
Dans ce contexte, la démarche alsacienne a donc un fort écho national, c’est pourquoi la gauche gouvernementale s’est en quelque sorte engagée pour le succès de la démarche : le refus du Conseil d’Alsace à gauche incarné par le Conseiller Général/ Vice-Président /Maire Raphaël Nisand n’a jusqu’ici pas trouvé de relais au gouvernement. J’espère bien qu’au ministère, à l’Assemblée et au Sénat cette disposition à faciliter la mise en œuvre de notre Collectivité Unique se maintiendra et j’espère que les 3 parlementaires alsaciens de gauche sauront être pendant la phase d’élaboration et de décision législative à la hauteur de l’enjeu.
C’est cette phase qui sera déterminante. Le référendum donnera un feu vert ou un feu rouge. Mais tout ce dont certains débattent, discutent, critiquent, proposent aujourd’hui et qui va peut-être déterminer leur vote, tout cela ne sera fixé qu’après pour une part par le législateur, pour une autre part, par la future majorité régionale du futur Conseil Unique à partir de 2015. Le référendum peut juste donner un feu vert, il ne décidera rien. C’est d’ailleurs la réponse systématique et bien sûr décevante qu’il va falloir faire à ceux qui s’interrogeront à raison sur le siège de la collectivité, la séparation du délibératif et de l’exécutif, les compétences fusionnées, les compétences nouvelles transférées, les compétences spécifiques, l’organisation et le volume des services, les instances territoriales de concertation, ces conseils de territoire de vie, les modes de scrutin, le nombre total d’élus, l’éventuelle capacité règlementaire, les moyens financiers, humains, logistiques, les économies d’échelle, la place de Strasbourg, celle de Colmar, celle de Mulhouse, les éventuelles conférences départementales, le rôle du CESER, et puis bien sûr quel projet, quel programme politique, quels changements concrets pour le quotidien, pour répondre à la crise, pour préparer l’avenir ? Les réponses ne seront pas dans le référendum : on trouvera des suggestions, des propositions dans la notice explicative et dans les documents et les discours des différents courants politiques. Ce n’est pas par le référendum qu’on tranchera sur ces points : ce sera par la loi ou par ce que voteront les futurs élus qu’il nous faudra élire en 2015.
Les écologistes vont s’efforcer dans cette campagne d’aller à l’essentiel, de ne pas raconter d’histoires, de dire ce qui sera possible, ce qui sera souhaitable, ce qui restera à faire.
Ce que nous dirons c’est que par la fusion régionale de ses 3 grandes collectivités en une seule, par le renforcement et la mise en cohérence de ses compétences, l’Alsace aurait des leviers bien plus puissants qu’aujourd’hui.
Ces leviers sont nécessaires pour s’attaquer aux fractures qui s’aggravent dans notre Alsace qui n’est absolument plus épargnée : le chômage à un haut niveau dans certains quartiers, l’émergence de poches de pauvreté réelle et importante dans le rural, le surendettement des ménages dans des zones périurbaines, les carences parfois d’accès au service public : autant de défis qui nécessitent des actions adaptées au plus près des territoires.
Ce que nous dirons c’est que l’Alsace serait idéalement placée pour mettre en œuvre la nouvelle capacité règlementaire régionale que le gouvernement annonce. Il s’agit de permettre l’adaptation locale lorsque l’intérêt général le justifie, compte tenu des spécificités du territoire. Il s’agit de sortir de cette impasse bien française qui veut que, dans de nombreux domaines, l’administration centrale règlemente sans mettre véritablement en œuvre, sans assurer l’exécution sur le terrain, en toute irresponsabilité. Les politiques publiques, notamment environnementales, souffrent de ce blocage : il s’agit de s’en libérer en permettant aux Régions d’appliquer leurs décisions et de décliner dans leur champ les politiques européennes et nationales. Il ne s’agit en rien de défaire la République, mais au contraire de la consolider en donnant aux Régions leur part des pouvoirs publics. Bien sûr cela ne concerne pas le droit du travail qui est de compétence nationale et doit le rester tant que les garanties solides de l’Europe sociale ne sont pas encore établies.
Ce que nous dirons c’est que le Conseil d’Alsace sera avant tout fort de ses compétences : quelles seraient-elles ? 3 catégories de compétences :
- Le Conseil Unique rassemblera les compétences des anciennes collectivités (développement économique, action sociale, formation, gestion des fonds structurels européens destinés au développement des territoires, bâtiment et TOS des lycées et collèges, transports, environnement, aménagement du territoire, tourisme, culture, sports…) ;
- il profitera de l’élargissement des compétences que permettra la réforme nationale en préparation (ainsi, devrait être confié aux régions l’ensemble des attributions qui sont encore celles de l’État en matière d’orientation, de formation professionnelle et de mise en cohérence des politiques de l’emploi au niveau territorial ; ainsi il serait nécessaire que les Régions assurent en coordination avec les intercommunalités la mise en cohérence sur le terrain des mesures concrètes de la transformation écologique et de la transition énergétique) ;
- il expérimentera sans doute des compétences spécifiques (par exemple pour la culture régionale et le bilinguisme). La première spécificité de l’Alsace c’est bien sûr sa double-culture : il s’agit d’avoir compétence, détermination et moyens pour une reconquête du bilinguisme. Mon pari, c’est que l’attribution de cette compétence là qui est difficilement contestable amènera la Collectivité unique à s’engager dans une vraie politique pour faire bien mieux que 3 collectivités séparées bien peu résolues pour la mise en œuvre de la convention pourtant au rabais conclue avec l’autorité académique.
Toutes ces responsabilités, ces compétences nécessiteront des moyens. Gilbert Meyer s’est fait une spécialité de le rappeler. Certains (Pierre Freyburger par exemple) s’inquiètent déjà d’une hypothétique nouvelle taxe « Conseil d’Alsace ». Là-dessus, soyons clair : il ne peut être question de taxer les Alsaciens de façon supplémentaire discriminatoire : c’est toutes les Régions qui ont besoin non pas de taxer davantage nos concitoyens, mais d’avoir une fiscalité dynamique, voire un droit constitutionnellement garanti à une part de l’impôt. Toutes les régions ont besoin d’une dynamique fiscale qui soit connectée à leurs compétences majeures : notamment celles du développement économique, celles de la formation, celles des transports et de l’aménagement. Les départements surtout les plus frappés par la dégradation sociale ont besoin que cesse de s’élargir le fossé entre le coût de leurs compétence en solidarité et leurs ressources. L’Alsace aura donc, comme toutes les autres régions et départements, tout intérêt que l’Acte III annoncée de la décentralisation se traduise par la mise en place d’une loi de finances de l’égalité territoriale qui comme pour la sécurité sociale serait concertée avec les régions et l’État, fixerait les plafonds et les planchers des impôts et taxes locaux, validerait les nouvelles taxes notamment celle de la fiscalité écologique, et déterminerait montant et allocation de la péréquation territoriale. Une telle démarche de clarification et de cohérence pour les ressources des collectivités serait véritablement un nouvel Acte de la décentralisation car c’est particulièrement en matière budgétaire que l’on mesure combien la France, en fait, n’est pas un pays décentralisée…
Une remarque concernant le rapport des collectivités territoriales avec le monde associatif, culturel ou sportif et d’une façon plus générale avec les bénéficiaires d’éventuelles subventions. On pourrait penser que ces acteurs de la vitalité citoyenne dans notre Région sont naturellement favorables à la mise en cohérence par le Conseil Unique. Ca n’est pas aussi évident que cela : quand on utilise d’une certaine façon les collectivités comme des guichets, on peut être tenté de préférer l’existant : en effet avec plusieurs interlocuteurs par le jeu des subventions croisées, en jouant des cloisonnements des services instructeurs on a le sentiment d’avoir davantage de possibilités. Avec une collectivité unique, la réponse aux demandes sera unique et surtout si elle est négative. J’espère pour ma part que ce raisonnement étroit n’éclipsera pas l’essentiel et que les grands acteurs associatifs sauront faire la part de l’intérêt démocratique général pour se positionner dans le débat régional.
Rapidement, enfin, je vais balayer les principaux points sur lesquels il faudra soit que la loi se prononce, soit que la Collectivité Unique les organisent comme elle l’entendra au moment de sa mise en place.
Le nombre des élus.
L’Assemblée d’Alsace ne peut pas être l’addition des effectifs des Conseils généraux et du Conseil Régional : nos concitoyens ne le comprendraient pas. Il faudrait donc réduire le nombre d’élus d’un quart.
La parité hommes/femmes
L’Assemblée et l’exécutif d’Alsace doivent être résolument paritaires. La parité femmes/hommes est un outil essentiel de renouvellement du politique. Comme pour les conseils municipaux et les exécutifs communaux, comme pour le Conseil Régional actuel et son exécutif, les femmes formeront donc la moitié des effectifs. Toute autre proposition serait d’ailleurs anticonstitutionnelle.
Le mode d’élection
La Collectivité territoriale d’Alsace doit répondre à l’exigence démocratique.
La composition du Conseil Unique d’Alsace devrait reposer sur un mode de scrutin assurant à la fois la représentation des grands courants porteurs de projets d’envergure régionale et aussi la représentation des spécificités territoriales. De ce point de vue le mode de scrutin régional allemand est exemplaire pour garantir la proportionnelle globale tout en assurant une représentation des territoires… L’idée d’équilibre entre scrutin majoritaire et proportionnelle est intéressante : elle posera le problème du curseur (moitié-moitié, 40-60, 20-80 dans un sens ou dans l’autre), elle posera le problème de la légitimité majoritaire (il est tout à fait possible que la liste majoritaire à la proportionnelle ne le soit pas dans l’Assemblée d’Alsace, il est possible que l’élection du Président s’il n’est pas une tête de liste soit aussi compliquée que l’élection de certains des Présidents de la République avant 1962) : assurément il va falloir du doigté pour bâtir un mode d’élection mixte de l’Assemblée d’Alsace qui assure la clarté démocratique.
Il s’agit que les électeurs aient la garantie que ce sont bien eux qui décideront et donneront le pouvoir : en ce sens le/la Président(e) du futur exécutif devrait être celui ou celle qui sera à la tête de la liste régionale qui l’emportera. C’est ce qui a contribué à donner depuis 1986 une autorité politique aux Régions, aussi en Alsace. Revenir sur cette pratique serait une régression considérable.
2 Présidents distincts : un pour l’Exécutif, un autre pour l’Assemblée
Nous sommes partisans bien sûr de la modernisation qui consistera à distinguer l’Assemblée délibérative de l’Exécutif ; elle instaurera un véritable parlementarisme régional qui actera la séparation des pouvoirs et réduira cette maladie chronique française qu’est l’hyper-présidentialisme local. Le bureau de l’Assemblée doit-être désigné à la proportionnelle des groupes politiques ; l’Exécutif (« gouvernement » d’Alsace) doit être l’émanation de la majorité politique résultant du suffrage universel. En Corse les membres de l’Exécutif ne votent plus dans l’Assemblée où ils sont remplacés par les suivants de liste et plus fort encore, l’Assemblée peut renverser l’Exécutif par une motion de défiance constructive qui met en place une autre majorité. Faudrait-il aller jusque là ?
L’articulation avec les territoires
Nous sommes favorables à ce moyen de la subsidiarité que seront des conseils de territoire de vie, une douzaine correspondant à peu près aux bassins pertinents (pays et/ou SCOT) associant pour avis les représentants du bloc communal. Vis-à-vis des grandes agglomérations le Conseil d’Alsace réussira non pas en s’opposant mais en se conjuguant.
Le CESER
Nous sommes partisans d’un renforcement du Conseil Économique, Social, Environnemental Régional. Il s’agit, en lien avec les Conseils de Développement des Pays qui ont un peu le même rôle dans leurs périmètres, de profiter de la capacité d’expertise des acteurs de la société civile, des avancées et des confrontations du dialogue social et de la prise en compte des enjeux du long terme dont sont porteuses les associations environnementales. Espérons que ce renforcement conduise le CESER a être bien plus un contre-pouvoir qu’une sorte de maison de retraite pour acteurs méritants de la vie régionale.
Les Conférences départementales
Nous sommes bien sûr défavorables à la mise en place d’instances politiques de niveau départemental. Créer des organes départementaux permanents du Conseil d’Alsace, ce serait de fait maintenir les Conseils Généraux et le fonctionnement cloisonné en silos dont nous voulons sortir. En ce sens les conférences départementales qui sont envisagées ne devraient être que des rendez-vous ponctuels de concertation, d’évaluation et de proposition s’éteignant peut-être progressivement et assurément pas des lieux de décision.
Sur la question du siège.
On a le sentiment au vu du débat, des motions de conseils à Strasbourg et Colmar, des échanges au Congrès et dans la presse que c’est là la question essentielle. A quelques mois des municipales, où chacun parle déjà avant tout aux électeurs de sa commune, si on se laisse aller aux surenchères Colmar, contre Strasbourg, contre Mulhouse, si on n’est pas capable de se mettre d’accord sur du raisonnable, alors on va dans le mur. Alors qu’en fait de deux choses l’une : soit il y aura consensus entre les grandes villes sur la place et le rôle de chacune pour la collectivité unique, soit il n’y aura pas accord et alors ce sera à l’Assemblée élue en 2015 de décider démocratiquement ce qu’elle voudra. Moi je suis de ceux qui pensent que ce consensus entre les responsables de nos grandes villes il est encore possible et il est nécessaire pour se donner toutes les chances que le référendum soit positif. Que Colmar n’ait pas le sentiment d’y perdre, que Mulhouse se sente mieux reconnu et que Strasbourg soit conforté comme naturelle et évidente capitale régionale : voilà la formule équilibrée sur laquelle on peut s’entendre : j’espère que ceux qui sont à la tête de ces 3 villes réussiront à en convenir ensemble, parce que notre destin régional partagé ne peut quand même pas être supplanté par des logiques strictement communales.
Sur la question des ressources humaines de la Collectivité nouvelle, nous demandons qu’un vrai travail s’engage avec les agents de nos collectivités pour assurer une transition cohérente, efficace et acceptée. Les ressources humaines publiques ne peuvent être l’objet de discours à l’emporte-pièce digne du café du commerce : les compétences respectives étant distinctes, les économies d’échelle seront réduites. Il faudra une gestion digne et respectueuse des personnes et de leurs compétences sachant que des ressources humaines ultra-mobiles et interchangeables cela n’existe pas.
Enfin, et c’est l’essentiel pour les 10 semaines qui sont devant nous, comment engager la campagne référendaire ?
En pleine crise économique, alors qu’on est aux prises avec des difficultés sociales graves, que pour beaucoup leur quotidien ce n’est pas la qualité de vie, la sérénité, il ne sera pas facile de convaincre qu’il est essentiel de fusionner 3 collectivités en une seule, qu’avec la collectivité unique on aurait la bonne dimension, le bon calibre pour mener des politiques qui débouchent vraiment sur des résultats. L’abstention, le vote ras-le-bol, la tentation de bloquer une démarche d’élus, de décideurs, cette tentation va être forte. Et il va falloir savoir éveiller la maturité citoyenne, la responsabilité démocratique des alsaciens. Il va falloir aussi contrer les faux arguments de ceux qui préfèrent que rien n’évolue, que rien ne change.
J’espère que nous saurons faire en sorte tous ceux qui feront campagne, les tenants du oui comme ceux du non, que les électeurs votent en connaissance de cause sur un sujet en apparence compliqué de mécano institutionnel. Si c’est le non qui l’emporte, ça devrait être parce que nos concitoyens sont contents du système actuel, de la séparation des politiques publiques d’Alsace entre 3 collectivités cloisonnés, parce qu’il trouve cet éclatement institutionnel efficace et satisfaisant. Personne ne peut sérieusement affirmer cela : je n’arrive pas à le croire un instant. Alors peut-être que voter « non » ça sera une façon de dire tout simplement non à la décentralisation, non au renforcement régional, soit parce qu’on craint une Alsace trop centralisée qui nierait ses territoires, soit parce qu’on se berce du mythe d’une république uniforme strictement nationale, parce qu’on craint que les acquis sociaux, les emplois des services des collectivités, leurs services publics soient menacées par cette réorganisation ; soit parce qu’on pense qu’en Alsace la Région sera toujours de droite et qu’il vaut mieux qu’elle reste faible. Nous les écologistes ça n’est pas notre approche. Nous voulons pour l’Alsace une région forte, à taille européenne : cela c’est d’ailleurs une volonté commune aux écologistes, à des centristes, à des gens de droite, à des gens de gauche, de l’immense majorité des élus régionaux et départementaux, et je l’espère le 7 avril d’une majorité d’Alsaciens.