Plus d’Alsace pour un mieux être et vivre ensemble en Alsace !
Soucieux de l’avenir de l’Alsace et ressentant la nécessité d’une profonde rupture avec la chose politique alsacienne, qu’il s’agisse de données ou de comportements, nous prenons l’initiative d’alimenter le débat autour du plus de démocratie pour plus d’Alsace et réciproquement avec le souci de faire apparaître dans le paysage politique alsacien la revendication politique alsacienne, de lui donner un cadre, de la représenter et d’obtenir pour l’Alsace le pouvoir, nécessaire et suffisant, lui permettant de gérer non seulement des intérêts et des besoins qui lui sont propres, mais surtout de rapprocher le pouvoir du citoyen. Nous sommes des démocrates qui veulent faire avancer la démocratie, qu’elle soit politique, culturelle ou sociale. Entre Rousseau et Montesquieu, nous avons choisi le second, c’est-à-dire la séparation horizontale et verticale des pouvoirs, qui seule aide à lier l’un et le divers. Nous voulons à terme pour l’Alsace un développement démocratique comparable à celui d’un Land allemand ou d’un canton suisse.
En premier lieu, nous pensons que la société alsacienne doit disposer des outils lui permettant, notamment dans le cadre de la socialisation, de mettre en commun et en valeur les éléments structurants de son identité, de consolider et d’élargir les appartenances multiples et les liens sociaux, enfin de construire le vivre ensemble en Alsace. Non pas par simple souci de préserver une tradition à jamais figée, mais pour permettre à toute Alsacienne ou à tout Alsacien de se définir, de se repérer, d’être soi-même et de se projeter dans son environnement, dans l’avenir et dans le monde. Il s’agit d’assurer, dans un même mouvement, une meilleure intégration au collectif pour un meilleur développement personnel, singulièrement en promouvant une identité alsacienne ouverte et plurielle, inscrite dans les principes universels de droit, de liberté et de justice, sachant que pour ce faire le droit à la différence et la reconnaissance de l’altérité doivent eux aussi être portés au rang des principes universels. Si on ne naît pas Alsacienne ou Alsacien, chacune ou chacun doit pouvoir le devenir.
Dans le même état d’esprit, nous faisons nôtres les critiques envers certaines formes postmodernes de déculturation et de désintégration sociale. La culture, qui était création et relation, devient de plus en plus un environnement technique pour des hommes privés de leur potentiel créatif, comme elle devient consommation individuelle au prix du marché. Soumise au principe économique et porteuse de l’idéologie de l’argent, elle perd définitivement son ancrage social. Or le vivre ensemble doit être placé au cœur de toute action politique.
Nous inscrivons selon la même logique notre démarche dans celle de l’économie durable et de la justice sociale. Nous voulons promouvoir un modèle économique s’inscrivant dans le développement durable en liant besoins économiques, droit au travail et impacts sur le cadre de vie.
- Des pouvoirs
- De la démocratie régionale
- De la philosophie politique régionale
- De la langue régionale
- De l’école
- De l’Europe
- De Strasbourg l’Européenne
- De la coopération transfrontalière
- De la culture en Alsace
- De l’identité alsacienne
- Des médias
- De l’économie
- De l’environnement et du cadre de vie
- De la société
- Les annexes
1. Des pouvoirs
Nous proposons :
– le respect de l’entité Alsace dans son espace actuel bien défini par l’identité, la géographie, l’histoire, la culture et l’économie.
– la constitution d’une entité politique régionale unique, c’est-à-dire un Exécutif et un Conseil d’Alsace composé pour 2/3 d’élus représentant le corps électoral (suffrage direct) et pour 1/3 d’élus représentant les collectivités (suffrage indirect). Cette entité regrouperait les compétences attribuées jusqu’alors notamment aux départements et celles devant l’être à la métropole de Strasbourg. L’Alsace, petite par sa taille, mais avec une forte densité démographique constitue à elle seule une métropole où tout finalement est proche. L’entité politique unique alsacienne ou Région métropolitaine d’Alsace serait composée de deux niveaux de compétences clairement définies et réparties, celle de la Région et celles des regroupements communaux constitués en Districts territoriaux disposant d’un conseil et d’un exécutif. Ce serait une grave erreur de persévérer dans une gestion irresponsable où les compétences se recoupent et où les coûts se démultiplient : Région Départements, Arrondissement, Cantons, Métropole, Communautés urbaines, d’agglomération ou de communes et communes. La nécessité d’une répartition des compétences par collectivité en fonction d’un juste « qui fait quoi », et la suppression des doublons ou triplons sont urgentes.
– un Référendum au sujet de cette réforme auprès de la population alsacienne.
– un pouvoir normatif pour la Région trouvant sa traduction dans des pouvoirs réglementaires et à terme dans la possibilité de promulguer des lois régionales pour ce qui concerne les intérêts et les besoins propres à la Région, s’agissant d’éducation, d’économie, d’environnement, de finances, de transport, de justice sociale, de la famille, de la jeunesse et des sports…, en vertu d’un principe de subsidiarité. Il s’agit, d’ores et déjà, de mettre en œuvre le droit à l’expérimentation inscrit dans la loi et de garantir le maintien de la compétence générale au niveau de la Région.
– le maintien dans la Région d’une part des impôts prélevés dans la Région, évidemment sans remettre en cause l’indispensable solidarité inter-régionale.
– le mandat unique, renouvelable une fois, pour les élus au Conseil Régional.
2. De la démocratie régionale
Nous proposons notamment :
– de développer la démocratie délibérative et participative et le recours au référendum.
– de soutenir et d’encourager la création de lieux de rencontre et d’expression plurielles.
– d’instaurer, s’agissant des élections régionales, un scrutin à la proportionnelle pour les élus représentant le corps électoral et à leur occasion le droit de vote pour les ressortissants de l’Union Européenne.
3. De la philosophie politique régionale
Nous faisons nôtres les concepts de l’union dans la diversité, de post-nationalisme, de droit à la différence – qui n’est pas une différence de droit, d’éthique, de culture de l’altérité, de culture de l’intégration, de socialisation alsacienne, de dialogue entre les cultures et les religions.
4. Des langues régionales
Nous proposons :
– de mettre d’ores et déjà en application les principes de la charte européenne pour les langues régionales ou minoritaires et d’exiger sa ratification par la France.
– à terme, l’élaboration et l’application d’une charte linguistique propre à l’Alsace garantissant aux langues régionales d’Alsace une pleine et entière existence sociale.
– une adhésion pleine et entière de la France aux déclarations, pactes et conventions (déclaration universelle des droits de l’homme, pacte international relatif aux droits civils, convention relative aux droits de l’enfant…) pour tout ce qui touche à la reconnaissance des langues et cultures dites régionales. La France y a très souvent adhéré, tout en excluant les articles relatifs à ces dernières.
– la création d’un conseil des langues d’Alsace (alémanique, francique, allemand standard, français, welche, franc-comtois, yiddish, langues issues de l’immigration récente).
5. De l’école
L’école est le premier lieu de la socialisation.
Nous proposons :
– de scolariser en classe bilingue paritaire français-allemand dans les six années à venir 50 % de la population scolaire alsacienne, de la maternelle au baccalauréat.
– la généralisation de l’enseignement de l’histoire et de la culture telles qu’elles ont été et sont construites en Alsace, parce qu’il s’agit de contribuer à une socialisation alsacienne.
– l’élargissement des cours d’initiation et de mise à niveau à destination des enfants issus de l’immigration.
– la mise en oeuvre d’une option langues et cultures d’origine, parce qu’il est important que l’école valorise l’élève dans toutes ses dimensions et capacités.
– la généralisation du bilinguisme français-allemand aux formations professionnelles bilingues.
– que la région soit, au cours des six années à venir, dotée de toutes les prérogatives touchant au contenant et au contenu de l’enseignement de la langue et de la culture dites régionales,et qu’à terme le système éducatif soit régionalisé, compte tenu d’une nécessaire coordination nationale.
6. De l’Europe
Nous proposons notamment la construction d’une Europe fédérale, entre autres garantissant au sein de son Parlement une représentation pleine et entière aux Régions d’Europe.
7. De Strasbourg l’Européenne
Dans l’Union européenne, Strasbourg se doit d’être au cœur de l’Europe, d’être le cœur qui l’irrigue d’un sentiment d’appartenance et d’une volonté d’être rassemblé : Strasbourg reste à européaniser et doit jouer pleinement son rôle dans la répartition des pouvoirs d’une Europe multipolaire et dynamique, en tant que pôle législatif. S’impose en particulier une LGV Strasbourg-Luxembourg-Bruxelles.
8. De la coopération transfrontalière
Nous proposons d’ores et déjà :
– le renforcement de la coopération politique dans le cadre du Rhin Supérieur : pour ce faire la Région Alsace doit disposer d’une large liberté d’entreprendre, comparable à celle des ses voisins.
– la réalisation complète de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, notamment par la création d’une zone franche à caractère juridique particulier. Nous exigeons qu’un Référendum soit organisé auprès de la population des deux rives du Rhin Supérieur à ce sujet.
– la mise en œuvre d’un aménagement du territoire rhénan-supérieur (création d’une liaison ferroviaire rapide Bâle-Mulhouse-Strasbourg-Karlsruhe-Francfort, amélioration de la liaison routière rapide Strasbourg-Kehl, développement des interconnexions entre les autoroutes des deux rives, réalisation d’un tram-train Strasbourg-Offenbourg, gestion partagée du bassin d’emploi dans l’expertise du marché du travail, dans les agences pour l’emploi et dans les instances de formation initiale et continue, dans la prise en charge sociale des travailleurs frontaliers…).
A terme, nous proposons la création d’une Euro-Région du Rhin-Supérieur fusionnant les instances de coopération existantes et ayant des compétences en matière d’éducation, d’économie, d’environnement, de finances ou de transport, dans la politique sociale et familiale, dans le domaine de la jeunesse et des sports… avec la constitution, par souci de démocratisation, d’un Conseil Rhénan élu par les habitants de l’espace concerné afin de mieux servir les citoyens des deux rives.
– mais qui dit transfrontalier dit aussi culture : il y a donc lieu de promouvoir amplement l’interculturalité dans le Rhin Supérieur, en premier lieu en favorisant la rencontre de citoyens.
9. De la culture en Alsace
Nous proposons notamment :
– une véritable politique de soutien aux œuvres et aux vecteurs de la culture alsacienne se traduisant notamment par la dotation de primes aux œuvres bilingues, le soutien à un théâtre d’expression allemande, une forte incitation à l’engagement des artistes locaux, surtout ceux impliqués dans la défense ou la promotion de la langue et de la culture dites régionales, au moins une fois par an par les lieux de culture, en vertu d’une « affirmative action », un appui aux démarches d’éducation populaire, notamment en favorisant une politique de tarification adaptée à la réalité socio-économique actuelle.
– la création d’un Conseil Culturel d’Alsace.
10. De l’identité alsacienne
Outre les propositions concernant la langue, la culture, l’école, les médias, nous proposons notamment :
– parce que l’identité est d’abord identification, un soutien et un renforcement de toutes les instances où se vivent les solidarités alsaciennes et où se construisent sentiment d’appartenance et le vivre ensemble alsaciens, qu’il s’agisse d’institutions ou d’associations construisant un sentiment d’appartenance (fêtes populaires, musées, concerts, conférences, expositions, festivals, communication publique bilingue, …).
– parce que les identités culturelles sont largement construites par la socialisation, une socialisation alsacienne.
– une mise à jour en Alsace du droit local, le maintien du concordat, la création d’une université des religions, la consolidation de la caisse régionale de sécurité sociale.
– la réalisation d’une maison de l’histoire et la culture en Alsace, un lieu de mémoire et de promotion de la culture régionale.
11. Des médias
Nous proposons
– Que tous les services publics nationaux de l’audiovisuel, France 3 Alsace, Radio bleue Alsace, aient une programmation bilingue et soient régionalisés, c’est-à-dire libérés de la « tutelle parisienne ».
– Que de plus un service public régional de télévision et de radio soit créé.
12. De l’économie
Outre les aspects économiques développés au point 8 concernant la coopération transfrontalière, la Région se doit bien davantage :
– de soutenir l’innovation et le transfert de technologie au niveau des produits, de l’organisation et des services pour permettre aux entreprises de rester concurrentielles dans un marché désormais globalisé.
– d’encourager le développement des PME-PMI (Mittelstand), les véritables porteurs de l’économie, en particulier dans l’industrie, l’artisanat, le commerce, le tourisme, la gastronomie, les professions libérales, les services.
– de renforcer les aides à l’investissement, à l’innovation et à la recherche, notamment par une politique fiscale et d’aide aux entreprises conséquente.
– de développer les potentialités énergétiques régionales (géothermie par ex.).
– de développer les infrastructures routières, ferroviaires et fluviales pour faciliter les flux vers les centres économiques et de résidence ainsi que l’investissement dans les transport publics (tram-train, fret ferré et fluvial, canal Rhin-Rhône…)
– de promouvoir l’image de l’Alsace à l’international et de favoriser l’implantation d’entreprises étrangères.
– de favoriser la production de haute qualité environnementale et de haute valeur ajoutée.
– de promouvoir une meilleure répartition de l’offre commerciale en dehors des grands centres urbains.
– de fusionner les agences de développement économique et les organismes de promotion touristique.
– d’inciter les commerces à déployer les zones de chalandise sur l’autre rive du Rhin et à mener en direction des ménages allemands une politique commerciale en conséquence.
– de donner corps et vie à des territoires économiques performants afin d’assurer un aménagement régional cohérent et équilibré.
– de valoriser le capital humain. L’atout de l’économie en Alsace est constitué par les femmes et les hommes d’Alsace, par leur culture régionale et leur culture économique. Il y a lieu de donner une vraie place aux entrepreneurs, mais aussi aux syndicats, aux associations de consommateurs, au secteur associatif, coopératif, social et solidaire.
– de revoir le système d’orientation scolaire, pour ne plus « caser » les élèves, mais pour revaloriser certains métiers.
– d’ajuster l’offre régionale de formation initiale et continue aux métiers émergents et en expansion.
– d’élargir l’offre de reconversion professionnelle et la création de bourse d’études concomitantes
– de reconsidérer l’image que l’Alsace donne d’elle-même, une image souvent floue dont ne se dégage pas l’aspect positif d’une région riche de toutes ses identités, ses langues et ses cultures. Un véritable développement régional se fonde toujours sur l’identité d’une région. Le renforcement de l’identité culturelle réside donc au cœur du développement régional. Au lieu d’être considérées comme un obstacle, la langue et la culture dites régionales sont des ressources précieuses. Elles constituent des vecteurs du développement lui-même, notamment dans les régions frontalières.
– de créer un conseil de l’économie.
13. De l’environnement et du cadre de vie
Nous proposons de faire de l’Alsace plus qu’une vitrine écologique, notamment dans les domaines des énergies alternatives et renouvelables, de la bio-diversité, de l’alimentation bio, de la stricte règlementation de la culture du maïs, de la politique de protection du paysage, des mesures en matière de pollution, de la production de proximité, de la fermeture de Fessenheim, du recyclage, de la géothermie, du sauvetage de la nappe phréatique, du développement de services énergétiques et d’aides à l’équipement, du cadre de vie urbain, de la renaturalisation des friches industrielles… Chacun a le droit de vivre dans un environnement de qualité et le devoir d’y contribuer. En outre, nous proposons la création d’un conseil de l’environnement.
14. De la société
Nous prenons acte dans nos sociétés modernes des formes de désenchantement, des tendances à la désintégration sociale, de développement de la nouvelle pauvreté, de néo-fondamentalisme, de phénomènes de déculturation et de détresse socio- psychologique. Face à ces tendances lourdes, il y a donc lieu de mettre en œuvre une politique de (re)constrution des liens sociaux et du vivre ensemble, qui nécessite de réactiver la culture de l’éthique inscrite en Europe depuis les origines.
Il revient à la Région de soutenir fortement les instances de solidarité, de (re)socialisation et de restructuration psychologique qui s’inscrivent dans les principes de l’union dans la diversité et de l’interculturalité, et de favoriser leur développement, c’est-à-dire de faire elle-même à travers des initiatives énergiques et plutôt que de faire faire… En particulier, nous proposons la création d’un conseil de la solidarité et de la responsabilité des citoyens alsaciens.
Annexe 1-1 : Du pouvoir régional
Tout en opérant des avancées considérables en matière de droits, de libertés et de progrès social, la France n’a jamais envisagé véritablement une prise en compte du fait régional. Au contraire, elle la rendra impossible ; les collectivités territoriales ne constituant à ce jour, pour le mieux, que des modalités d’organisation administrative, même si des ouvertures ont été obtenues dans le cadre de la décentralisation et de la déconcentration. Mais décentraliser et déconcentrer n’est pas régionaliser. Il s’agit enfin lever les tutelles administratives et les incapacités juridiques qui demeurent, en amont et d’inscrire la diversité du pouvoir dans le droit. En aval, il faut réaliser l’inclusion du fait régional par la différenciation infra politique (régionalisation) et infra administrative (déconcentration) de l’Etat, en conférant aux régions un pouvoir normatif pour ce qui les concerne en propre, c’est-à-dire la possibilité de légiférer régionalement. Ce pouvoir régional doit disposer de ressources financières propres, les impôts levés dans la région devant y rester à hauteur comparable à ce qui se fait dans les démocraties environnantes. Ce pouvoir régional doit également trouver sa traduction dans la fusion des trois institutions existantes (Région et Départements) et de celle à venir de la Métropole de Strasbourg. Nous demandons qu’un Référendum soit organisé à ce sujet auprès de la population alsacienne.
Annexe 1-2 : De l’Etat-nation
L’Etat et la nation pris séparément sont par nécessité incontournables, encore que l’on puisse discuter leurs formes et leurs caractéristiques. Ce qui pose problème, c’est l’Etat-nation, une forme de gouvernance basée sur le centralisme démocratique, sur le républicanisme et sur l’union dans l’uniformité, qui trouve sa pleine concrétisation dans le modèle français de l’assimilation entre Etat et nation, entre nationalité et citoyenneté, entre culture politique et culture majoritaire ou dominante. Le tout est lui-même confondu avec la République. D’un Etat construit sans nation, on passera au fil de l’histoire à la construction de la nation d’un Etat. C’est toute l’histoire de l’étatisme, de l’unitarisme et du centralisme français. Une lente formation dont les principes installés lentement dans les consciences finiront par être acceptés et jugés comme normaux par les Français. Que l’on ne s’y trompe, ce système ne propose pas, aujourd’hui, plus de liberté, d’égalité ou de fraternité que les démocraties voisines fondées sur l’union dans la diversité, peut-être même moins. Ce n’est donc qu’un modèle, peut-être justifié historiquement, mais dont la raison d’être est d’ailleurs aujourd’hui largement remise en question, notamment par ce qui est désormais nécessaire ou revendiqué, à savoir l’extension de la citoyenneté à de nouveaux champs, la reconnaissance de la diversité culturelle, l’établissement de la démocratie délibérative et participative, la construction européenne… Si la France était décentralisée, régionalisée, voire fédéralisée, la République ne serait-elle plus une république, la nation ne serait-elle plus une nation et la France ne serait-elle plus la France ? La réponse des uns et des autres sépare ceux qui mettent en avant un pouvoir descendant et indivis de ceux qui souhaitent un pouvoir ascendant et partagé, les républicains et les démocrates, ceux qui ne jurent que par la fusion de l’Etat et de la nation, de ceux qui préconisent leur dissociation.
Annexe 2 : De la démocratie régionale
Les méthodes de gouvernement restent très largement réglementaires. La formation de la volonté politique ne laisse que peu de place à l’expression de la volonté des citoyens. La prise de décisions tient toujours insuffisamment compte de l’avis de ceux qui les subissent et n’engage que trop sommairement la responsabilité de ceux qui les prennent. L’opinion publique reste amplement fabriquée en-dehors du débat démocratique. La délibération publique, la culture du dialogue et le partenariat social, le compromis et le contrat, le dialogue des cultures et la reconnaissance de la diversité restent amplement absents de la culture politique française. En un mot la concertation n’existe que très insuffisamment, cédant le pas à la médiatisation de conversations de salons. Or, l’accomplissement de l’individu passe par celui d’autrui, l’accomplissement de l’union passe par celui de la diversité, l’accomplissement de la démocratie passe par celui de la démocratie délibérative et participative, sociale et culturelle.
Les problèmes actuels et à venir de notre région ne pourront trouver de solutions que si l’esprit civique et avec lui la vie retrouvent leur place dans l’espace régional. Citoyennes et citoyens doivent pour ce faire pouvoir s’engager politiquement et être soutenus dans leur volonté de créer des initiatives citoyennes en faveur par exemple de l’amélioration de la qualité de vie. Si la question de l’élargissement de la démocratie reste posée, comme celle de la légitimation du pouvoir, il est évident qu’elles ne trouveront de justes réponses qu’en permettant la participation active de tous à la formation de la volonté politique dans le cadre d’une démocratie délibérative organisant la discussion la plus large possible dans l’espace public et impliquant de la société civile.
L’objectif premier des démocrates doit être, non pas la prise et la conservation du pouvoir pour exister personnellement, mais la prise de responsabilité pour la protection des libertés individuelles et la gestion du bien commun. Le cœur de la politique ne doit pas être la compétition pour le pouvoir, mais la contribution à la meilleure solution aux problèmes ; non plus l’élection, mais la responsabilité. Ce principe peut opérer si la responsabilité du politique est dissociée de sa personne et associée prioritairement à la chose, c’est-à-dire aux décisions. Les décisions politiques régionales alors être prises dans des structures délibératives et participatives réunissant des acteurs compétents et responsables.
Dans le but de moderniser la démocratie, de développer l’esprit civique et de recentrer la responsabilité sur la chose, autrement dit de mettre en place une nouvelle gouvernance, il convient de favoriser la création de lieux de discussion, afin d’associer les citoyens aux choix et aux décisions en créant un véritable partenariat régional. Nous voulons que la Région soit ici exemplaire. Il convient aussi de développer le recours au référendum et d’assurer une gestion moderne et participative des ressources humaines régionales.
Annexe 3-1 : De l’intégration
L’intégration est une nécessité pour qui veut assurer la cohésion sociale ou politique. Encore faut-il savoir à quoi l’on veut, doit ou peut s’intégrer : à l’uniformité sans diversité, à la diversité sans union ou à l’union dans la diversité ? Et comment ? La diversité est là et il faut la gérer, sauf à vouloir persévérer dans l’exclusion de la France réelle et dans l’inacceptation de l’altérité et son cortège d’injustices, de frustrations et de révoltes. La différence doit-elle être obligatoirement occultée par le recours à l’universel abstrait ? Mais intégrer, c’est quoi ? Est-ce insérer, assimiler ou intégrer. A vrai dire ces termes sont très souvent amalgamés. L’assimilation rejette la différence et met en application le « droit à la ressemblance », un droit qui est en réalité une obligation. Elle est un arrachement. Elle vise à établir une communauté unie dans l’uniformité, c’est une trame unicolore. Elle génère une dynamique de la « pareilleté », de l’indifférenciation et de l’esseulement. L’insertion prend en compte la différence et accorde des droits culturels permettant à chacun, individu ou groupe, de vivre son identité propre. Elle est une continuité. Elle vise une communauté de communautés, c’est la mosaïque. Le juxtaposé génère une dynamique du face à face, de l’assignation à être ceci et non pas cela et de la distanciation par rapport à l’ensemble.
L’intégration compose avec l’assimilation et l’insertion, avec le droit à la ressemblance et le droit à la différence, avec l’union et avec la diversité pour viser l’union dans la diversité. Elle est un partage. Elle facilite l’attachement. Elle lie le mitsein avec le anderssein ? L’intégration est l’aboutissement de la socialisation, c’est-à-dire de l’intériorisation des normes et des valeurs dominantes par les différents éléments permettant d’obtenir la cohésion de l’ensemble. Mais lorsque la socialisation ne réserve que peu ou pas de place à la diversité culturelle, l’intégration recherchée est l’assimilation. C’est ce que l’on entend par intégration républicaine. La France moderne ne s’explique que par elle. Et en adjoignant à l’intégration à l’universel une assimilation à la particularité, la France a raté un rendez-vous avec l’histoire. Mais elle ne pouvait pas inventer en même temps l’union dans l’uniformité, une forme de nationalisme et le post-nationalisme, c’est-à-dire l’union dans la diversité. Mais, ce rendez-vous lui est à nouveau fixé, parce que l’histoire, la modernité et la démocratie ne sont pas achevées. Parce que la Région a ici un rôle de première importance à jouer, il convient de mettre en œuvre une politique de reconnaissance des corps intermédiaires, c’est-à-dire de soutenir les instances de solidarités qui s’inscrivent dans le principe de l’union dans la diversité et de favoriser leur développement.
Annexe 3-2 : Du post-nationalisme
Il est possible d’être uni dans la diversité. C’est même une nécessité. La diversité, lorsqu’elle est reconnue et pratiquée rejette l’exclusion ou la séparation, comme elle repousse l’homogénéisation. Pour cela, il convient de relever le défi du pluralisme culturel en combinant l’unité politique avec la multiplicité des appartenances.
En France, la nation est affaire d’Etat. Et la forme de culture nationale développée par l’Etat ignore les subcultures et la diversité linguistique. Il ne peut pas en être autrement selon cet ordre des choses. Car dans ce concept le fondement de la nation n’est qu’insuffisamment la culture politique ou la loi fondamentale, et bien plus la culture dominante, die Leitkultur, c’est-à-dire une culture nationale qui marginalise, les appartenances secondaires, un concept de la nation qui ethnicise celle-ci par la construction de l’unicité de la langue, de l’histoire et de la culture. La République connaît, mais elle ne reconnaît pas. Le principe de l’union dans la diversité reste à installer dans l’habitus français. Ce principe ne peut devenir une réalité qu’à la faveur d’un recentrage politique sur l’essentiel à savoir la primauté des principes universels de droit, de justice, de liberté et de solidarité, c’est-à-dire sur la loi fondamentale, qui constitue pour les citoyens un véritable capital social et un incontournable socle commun. Lorsque l’attachement à la loi fondamentale et l’allégeance à l’Etat de droit seront placés au-dessus de toute autre considération, il deviendra possible de libérer la culture majoritaire ou dominante de sa propension à vouloir se substituer au pacte civil et social et à installer partout la « mêmeté » et la « pareilleté ». Il sera alors envisageable de reconnaître les appartenances culturelles multiples, l’individu dans toutes ses dimensions et partant l’unicité politique et la pluralité culturelle de la nation. Il s’agit donc non pas de se soustraire aux principes universels, mais au contraire de considérer que ceux-ci ne prendront véritablement leur sens que si les identités culturelles et les appartenances multiples ne font pas l’objet de discriminations.
Le post-nationalisme qui fait du pluralisme un impératif est une approche de la chose politique, qui compose la nation politique, juridique ou contractuelle avec la diversité nationale et qui concilie l’universalité des droits de l’homme avec la singularité des identités culturelles, pour construire l’union dans la diversité, réaliser l’intégration sans la désintégration, conjuguer l’universel et le particulier, et lier la diversité et l’égalité.
Annexe 3-3 : De l’un et du divers
Poser la question de l’identité collective, c’est aussi poser la question de l’universel et du particulier et de leur interaction. Le particulier se suffit-il à lui-même et l’universel est-il incompatible avec le particulier ? La raison peut-elle se passer de l’imaginaire ? Il s’agit de sortir de ce faux débat et renvoyer dos à dos l’illusion cosmopolite et l’angélisme identitaire, car à vrai dire l’universel est rempli de particularités, universel et particulier ont partie liée. L’universel naît de l’interaction des particularités, qui au travers de cet échange s’ouvrent à la pluralité. L’universel ne peut se couper du particulier, sauf à vouloir devenir un lieu vide et déconnecté de la réalité, comme la raison ne peut se couper du sentiment. De son côté, le particulier ne vaut qu’inscrit dans la relation à l’altérité. C’est en cela qu’il devient universel. Le particulier ne vaut sans l’articuler avec la part universelle de l’homme et avec les valeurs universelles, communes et irréductibles. Il s’agit d’intégrer l’autre et l’universel, c’est-à-dire, au travers du modèle post-national de l’union dans la diversité, d’opérer la synthèse entre ce qui est commun à tous, en même temps que de permettre à ce qui est particulier à chacun d’exister. Pour ce faire, le principe de la particularité doit devenir un principe universel dans la mesure où il doit être universellement admis, notamment par l’inscription des droits culturels dans la loi fondamentale, au même titre que les droits politiques et sociaux. De même, le principe de l’égalité doit s’établir autour de l’égal respect et de l’égale reconnaissance de tous. Si la liberté et la justice, le droit et la tolérance sont des valeurs universelles, il n’en va pas de même de leur respect. De même, ce n’est pas une valeur universelle que de ne pas reconnaître l’altérité, surtout lorsque l’autre inscrit sa différence dans les valeurs universelles. La reconnaissance est indispensable à l’épanouissement et à la formation de l’identité collective. Elle est un espace de respiration laissé à l’expression des diversités. Elle alimente la quête identitaire. Le déni de reconnaissance conduit au repli, au renoncement, à l’instabilité et à l’insécurité identitaires.
Annexe 3-4 : De l’interculturalité
La différence propre ne saurait être posée sans poser la différence de l’autre, sans tenir compte de la nécessaire rencontre avec l’autre. Une culture de la seule différence, pour impossible qu’elle soit, serait des plus dangereuse, parce qu’elle ouvrirait la porte à tous les excès, à toutes les exclusions. Dire sa différence, c’est souvent penser l’Autre comme inférieur. Il n’y a donc que la culture de l’altérité qui soit possible et acceptable. Vouloir tout faire pour valoriser l’altérité, c’est vouloir se valoriser soi-même : une culture de l’altérité, qui parce qu’elle ouvre à la reconnaissance et au respect de l’autre, s’inscrit dans le principe de l’union dans la diversité. Tout cela ne saurait être possible sans un dialogue entre les cultures, établi et développé par une éducation interculturelle et une éthique de la communication. Il s’agit de contribuer à l’appropriation de connaissances sur d’autres nations, cultures, religions, à l’acquisition d’une claire perception des libertés et des obligations qui doivent revenir à chacun en vertu des droits de l’homme, à l’apprentissage d’un vivre ensemble solidaire et de favoriser le dialogue des cultures dans l’espace public pour permettre à chacun de développer un point de vue propre, pour se détacher de l’égocentrisme et pour pouvoir accepter le point de vue de l’autre. L’éducation interculturelle doit permettre de reconnaître et de respecter les différences, de produire des capacités de compréhension et de tolérances, des capacités de critique et de discernement à l’égard des formes d’intolérance. Son but réside, outre la connaissance de soi et de l’autre, dans leur mise en adéquation avec les droits de l’homme, avec la part irréductible d’universalité, avec l’union dans la diversité.
Annexe 3-5 : Du droit à la différence
Le droit à la différence n’implique pas nécessairement la différence des droits. Dans une globalité donnée chaque particularité doit avoir les mêmes droits de vivre sa différence et de partager ce qui est, ce qui doit être commun à toutes les particularités, le vivre ensemble. Cela implique que dans le cadre de cette globalité, il n’est possible d’être différent que si les autres le peuvent aussi. La différence de l’un ne peut pas exister sans la différence de l’autre. Différence et altérité ont partie liée. La différence n’est pas, ne peut pas être totale et immuable. Elle est forcément multiple et évolutive. Il n’y a pas de différence pure qui vaille. Cela signifierait se séparer de tout et rejeter tout. Ce qui n’aurait pas de sens. Il n’y a de sens que dans la rencontre avec l’autre, rencontre inscrite dans le continuum culturel. Il n’y a de sens que dans l’intégration, dans l’interagir, dans « l’agir communicationnel ». Ce qui implique acculturation réciproque, culture plurielle, dynamique de l’universel, mais aussi démocratie culturelle, c’est-à-dire la reconnaissance de la diversité culturelle et la participation au tout. Il y a lieu de combiner l’union avec la diversité, malgré (ou à cause) des rapports de force qui existent entre les cultures, par l’établissement d’une compréhension entre les cultures. La liberté culturelle passe par la responsabilité qui ne peut être réalisée que dans le lien entre les différences et la même liberté accordée à chacune d’elle. Etre responsable, c’est rester dans la dépendance, dans l’union. La responsabilité, c’est la liberté partagée. La logique de la différence nécessite de la positiver dans le droit. La logique du droit nécessite d’accorder les mêmes droits à tous. Si le droit à la différence de l’un commence là où commence celui de l’autre, le droit à la différence de l’un s’arrête là ou commence la nécessaire prise en compte de l’autre, là ou commence l’union de tous. Le droit à la différence est un droit à l’altérité.
Annexe 4 : De la langue régionale
Partant du principe qu’une langue ne peut vivre et survivre qui si elle bénéficie d’un emploi normal dans tous les domaines de la vie publique et privée, il s’agit, au travers d’une charte linguistique de garantir à la langue dite régionale une existence sociale, d’abolir toute forme de discrimination et d’ostracisme à son encontre. La langue régionale est constituée de l’allemand dialectal d’Alsace (forme essentiellement orale) et de l’allemand standard (forme essentiellement écrite et langue de culture de référence).
Si la langue française, langue nationale, doit préserver son statut de langue nationale de communication courante et de culture, il apparaît urgent de revivifier et de consolider l’usage de la langue régionale, en lui conférant un statut de langue co-officielle.
Il s’agit de donner forme à véritable un bilinguisme collectif permettant à tout le monde et à chacun en particulier d’utiliser la langue de son choix et/ou les deux langues, nationale et/ou régionale. C’est l’exception culturelle alsacienne, qui se nourrit de deux langues et n’en rejette aucune. Cet objectif devra être atteint par une réelle politique linguistique de bilinguisme, garante d’un juste équilibre, d’une saine complémentarité et d’une féconde convivialité des langues en Alsace. Il exige à la fois une révision de la Constitution et le vote positif d’une une loi. D’ores et déjà, il s’agit pour la France de ratifier la charte européenne pour les langues régionale ou minoritaires. Elle reste un des derniers Etats à ne pas l’avoir fait et ce faisant ne pourrait plus devenir membre aujourd’hui du Conseil de l’Europe, alors qu’elle a elle-même posée cette exigence de ratification à chacun des Etats demandant l’adhésion.
L’option bilingue fonde sa pertinence à la fois dans des raisons à la fois identitaires, historiques, culturelles et économiques, mais également et dans les avantages propres à l’éducation bilingue. Elle constitue la base incontournable du nécessaire multilinguisme régional. Elle crée les conditions d’une réelle ouverture sur deux espaces linguistiques et culturels. C’est tout le contraire du repli et de l’enfermement. Le bilinguisme apporte une réponse à la nécessaire prise en compte tant des droits culturels et linguistiques, que de la géopolitique. Il s’inscrit dans une volonté et dans une stratégie identitaires, mais également économiques et constitue la base du nécessaire plurilinguisme. Le développement efficace d’une région se fonde toujours sur sa culture et son identité de la ville, c’est-à-dire sur celles de ses habitants. Le renforcement de l’identité culturelle doit donc résider au centre des préoccupations de la Région. Les langues pour leur part sont un élément important qui alimente cette culture et cette identité. C’est pourquoi, le soutien au bilinguisme et à la diversité linguistique doit être considéré comme primordial. Au lieu d’être perçues comme un obstacle, la langue et la culture dites régionales sont des ressources précieuses dans cette Région située au coeur de l’Europe. Il s’agit pour la Région de favoriser la scolarisation en classe bilingue paritaire français-allemand sur les six années à venir de 50 % de sa population scolaire, comme il s’agit pour elle de mettre en place des cours d’initiation et de mise à niveau à destination des enfants issus de l’immigration et d’apporter un soutien à la mise en place, d’une part d’un enseignement généralisé de l’histoire et de la culture telles qu’elles ont été et sont construites en Alsace et, d’autre part d’une d’option de langues et cultures d’origine, parce qu’il est important que l’école valorise l’élève dans toutes ses dimensions et capacités.
Annexe 5 : De la socialisation alsacienne
La culture, la mémoire et l’identité, bien que recouvrant des notions diverses, ont partie liée. Elles sont toutes des constructions. La question qui se pose est de savoir qui détermine ces constructions, l’individu ou la société ? Contrairement à une idée très répandue, la transmission de la langue, de la mémoire et de la culture est bien plus l’œuvre de la société que de l’individu En effet, c’est au travers de la socialisation décidée par la société, et le pouvoir qu’elle se donne, que sont transmises, en fonction d’une construction identitaire, les langues, les mémoires et les cultures. Et si les langues, les mémoires et les cultures se perdent, c’est toujours par défaut d’identité. C’est dire que, au travers de cette volonté et de cette stratégie, la part de ceux qui détiennent le pouvoir est des plus importantes, leur responsabilité aussi, alors que celles des individus l’est beaucoup moins. La transmission tout comme la non-transmission relèvent d’une volonté politique.
Il s’agit de sortir d’une identité négativée, source d’extrémisme et de fatalisme, résultant de la domination et de la stigmatisation en articulant le particulier et l’universel, l’histoire de chacun et le capital de tous, et en considérant que la reconnaissance et la gestion des appartenances multiples génèrent de l’enrichissement culturel, de l’interculturalité ou « multilitéralité » et du vivre ensemble. La construction de la mémoire doit être faite en fonction des enjeux du présent. La diversité des mémoires doit aller de pair avec le devoir de mémoire.
Il s’agit de généraliser un enseignement de l’histoire et de la culture telles qu’elles ont été et sont construites en Alsace à tous les élèves fréquentant l’école d’Alsace. Il s’agit de contribuer à la (re)construction d’une identité alsacienne ouverte et plurielle. On ne peut aimer que ce que l’on connaît. Ce qui manque le plus à l’Alsace, c’est l’identité alsacienne, à commencer par le partage d’une mémoire et d’une culture. Si on ne naît pas Alsacien, on ne le devient plus, faute d’une socialisation appropriée.
Il s’agit de considérer que toute population doit disposer des outils lui permettant, notamment dans le cadre de la socialisation, de mettre en commun, mais aussi de mettre en valeur ce qui est commun, c’est-à-dire les éléments structurants de son identité. Toute population et tout un chacun éprouvent ces besoins, non pas par simple souci de préservation d’une tradition à jamais figée, mais bien davantage pour leur permettre de se définir, de se repérer, de comprendre le monde, d’être eux-mêmes et de se projeter dans l’autre et dans l’avenir. En cela, nous sommes confrontés aux besoins de construire une mémoire et une conscience collectives, de partager des histoires et de cultures et de favoriser l’intégration à la société alsacienne par la construction d’une identité alsacienne ouverte et plurielle. Celle-ci nécessite une socialisation, notamment scolaire, qui soit en totale rupture avec l’inculcation de l’appartenance unique et uniforme ou encore de la seule différence.
Il ne fait pas de doute que l’enseignement de l’histoire et de la culture telles qu’elles ont été et sont construites en Alsace ne peut être que profitable à ceux qui le reçoivent, en premier lieu, parce qu’il apporterait sa contribution à un renforcement de l’identité culturelle propre, à une approche de la différence culturelle et, ce faisant, à créer les conditions du dialogue interculturel. En effet, la perception des différentes identités nécessite une conscience positive de soi-même. La reconnaissance obtenue, qui génère de l’estime et du respect de soi, est un préalable à la reconnaissance accordée ou à l’estime et au respect de l’autre. Qui ne connaît pas ce qui lui est propre ne peut pas reconnaître l’altérité et encore moins l’apprécier. Il importe, que chacun puisse s’insérer au mieux dans les paysages culturels environnants, de créer du lien social et de garantir le vivre ensemble.
Annexe 6 : De l’Europe
Pourquoi l’Europe ? Parce qu’elle est seule à même de répondre aux grandes interrogations de notre temps et d’assurer sa propre survie. Et que, justement parce qu’elle reste à construire, elle nous offre l’occasion de nous ressaisir. L’Europe correspond à une exigence, celle de la démocratie politique, sociale et culturelle. Si l’unité culturelle de l’Europe paraît évidente, malgré les dénis des nationalistes, souverainistes, nationaux-républicains et autres diviseurs, il n’en va de même de l’Europe politique. Si l’Europe a une histoire culturelle, elle doit avoir un avenir politique.
Une Europe démocratique ne se réalisera que dans le fédéralisme, n’en déplaise à certains esprits chagrins. Tout le reste n’est que réduction de la démocratie. Et parce que la démocratie convoque le peuple, la vraie fédération sera celle des peuples, celle qui est construite par la base, celle qui favorise l’émergence d’une nation européenne, tout en garantissant l’existence et la survie des nations d’Europe. La contradiction n’existe que dans l’imaginaire de ceux qui pensent encore l’unité dans l’uniformité.
Le fédéralisme européen devra notamment avoir pour objectifs et pour caractéristiques : de construire une culture et une identité politiques communes et donc une nation politique, en même temps que de maintenir les identités culturelles, de gérer la tension entre ce qui est mis en commun et ce qui, nécessairement, relève de l’irréductible particularité de chacun, d’appeler à l’attachement autour d’une loi fondamentale et d’inviter à sortir du patriotisme ethnique et des égoïsmes nationaux, de « fondamentaliser » la citoyenneté différenciée et les fidélités multiples, les citoyens étant membres à la fois de la fédération et des Etats, de donner corps à un Parlement fédéral et à un Exécutif fédéral, chacun assumant la fonction qui lui revient, un Parlement composé d’une Assemblée européenne des députés des Etats et d’un Sénat composé des Sénateurs des Régions, de mettre en œuvre le principe de subsidiarité et de proximité, véritable partage horizontal et vertical des pouvoirs, non pas une délégation de pouvoirs, mais une répartition des tâches, les Etats devant, pour ce faire, être eux-mêmes fédéralisés ou largement décentralisés, de se baser sur le principe de concordance, qui signifie une préférence systématique pour le compromis et qui nécessite une forte implication de la société civile.
Annexe 7 : De Strasbourg l’européenne
En 1949, le Conseil de l’Europe tenait à Strasbourg sa première session, ville où il a été installé. Le choix de Strasbourg, qui fait suite à une proposition britannique, est très symbolique d’une volonté commune de paix, d’une union dans la diversité et du triomphe de la raison et du droit sur la folie meurtrière et fratricide. Parce que dans cette ville historique se sont heurtés et affrontés les nationalismes français et allemand et parce que dans cette ville se sont aussi rencontrées et fécondées la culture française et la culture allemande, la reconstruction ne pouvait que commencer à Strasbourg. A Strasbourg de relever le défi permanent qui consiste à demeurer pour l’Europe et le monde un symbole de démocratie, de vivre ensemble, de respect de l’altérité, de reconnaissance de la différence et de culture plurielle.
Mais Strasbourg tient-elle encore le symbole, tient-elle encore lieu d’exemple ? N’est-elle pas devenue, au fil des décennies, une simple ville de province ? L’ambition première, évidemment inavouée, n’était-elle pas d’en faire, avant tout, une ville comme toutes les autres villes de France ? Quelle image, quelle lisibilité Strasbourg se donne-t-elle d’elle-même, une image française ou une image européenne ? Dans quelle langue Strasbourg communique-t-elle ? Dans quelle langue y jouent-on au théâtre et y projette-t-on les films ? Dans quelle langue prêche-t-on à la Cathédrale ? Rappelons qu’elle a été construite par et pour les habitants des deux rives du Rhin. La ville procède-t-elle de l’esprit européen, quand on sait qu’elle ne fait rien ou pas grand’ chose pour défendre et promouvoir sa langue première, la langue allemande, le bilinguisme et la culture bilingue ? Alors, Strasbourg, fière de son passé et illustrant une francitude ouverte et plurielle ou Strasbourg, ville refoulant sa germanitude, repliée sur ses problèmes franco-français et satellisée par Paris ? Des trois capitales européennes, Strasbourg est la seule où l’on ne peut pas vivre pleinement en deux langues, parce que le bilinguisme n’y a pas, n’y a plus d’existence sociale.
Strasbourg s’est-elle installée en Europe ou L’Europe s’est-elle installée à Strasbourg ? Mais où sont donc passées les langues d’Europe ? Que fait-on à Strasbourg de la devise européenne d’union dans la diversité ? Quelle est la contribution de Strasbourg au syncrétisme culturel européen, à l’interculturalité européenne ? Quelle occasion la ville donne-t-elle aux peuples européens de s’y rencontrer ? Strasbourg organise-t-elle annuellement une grande fête populaire de l’Europe et de sa diversité, une foire européenne du livre, un festival européen du film et/ou de la chanson, un prix européen de l’engagement politique, des journées européennes de la jeunesse, un colloque sur l’histoire de l’Europe et de ses membres… ?
Les réponses soulèvent l’ultime question. Strasbourg participe-t-elle réellement de l’Europe ?
Peut-on raisonnablement revendiquer le titre de capitale européenne lorsque l’on se contente du rang de simple ville provinciale d’un pays qui, à l’heure actuelle, ne pourrait plus adhérer au Conseil de l’Europe, faute de s’appliquer les principes de la démocratie culturelle qui en émanent (notamment la Charte européenne pour les langues régionales ou minoritaires et la Convention pour la protection des minorités). L’Europe ce n’est pas seulement ses institutions ou encore que le périmètre entre l’Orangerie et le Wacken. L’Europe doit être au cœur de Strasbourg et Strasbourg doit être le cœur de l’Europe. Aux politiques de s’en donner les moyens. Sans les institutions européennes et la Cathédrale, mais qui viendrait encore à Strasbourg pour y vivre l’Europe. Peut-être bien personne. L’Europe n’y est pas et son esprit n’y souffle pas vraiment. Il ne faudra pas verser des larmes de crocodile le jour où le Parlement quittera la ville. Strasbourg ne peut pas être une ville comme les autres. Au-delà d’être française, elle se doit d’être européenne.
A titre d’exemple. Sur la façade de l’Hôtel de ville se trouvent les armoiries des seigneuries ou pays auxquels la ville a appartenu. Sur la place de l’Hôtel de Ville, il y a une statue symbolisant la naissance de l’Europe, un taureau représentant Zeus transportant sur son dos la belle Europe. A quelques mètres, dans le clocheton d’une chapelle, retentit sur un carillon l’hymne européen. C’est à de tels détails que l’on peut juger de l’enthousiasme européen. Imaginez que cela se fasse à Strasbourg, que la Cathédrale carillonne à midi l’hymne européen, etc. Quelle classe ! Nous voulons que Strasbourg apporte une contribution majeure au syncrétisme culturel européen, à l’interculturalité et à polyglossie européennes, redonne une existence sociale à la langue régionale tout simplement en la pratiquant, recrée par exemple un théâtre d’expression allemande et, annuellement, donne aux peuples européens l’occasion de s’y rencontrer, organise une grande fête des langues et des cultures de l’Europe, c’est-à-dire une grande fête populaire en l’honneur de l’Europe et de sa diversité, une foire européenne du livre, un festival européen du film, de la chanson, du théâtre, un prix européen de l’engagement politique européen, des journées européennes de la jeunesse, un colloque sur l’histoire de l’Europe et de ses membres…
Annexe 8 : De la coopération transfrontalière
L’Alsace s’est engagée depuis quelques décennies dans une politique de coopération transfrontalière économique, politique, sociale et culturelle avec ses voisins et partenaires du Rhin Supérieur. Cette stratégie d’alliance n’est pas le fruit du hasard. Elle participe de la construction de l’Europe et de sa recomposition actuelle. Elle est déterminée par la nécessité économique et prend appui sur des données géographiques et historiques. Pourquoi le Rhin Supérieur et comment le définir ? D’un point de vue géographique, le concept de Rhin Supérieur recouvre un espace, les régions qui bordent le fleuve sur une distance comprise entre Bâle et Mayence, c’est-à-dire le fossé rhénan. D’un point de vue historique, il englobe un ensemble qui a longtemps participé des mêmes mouvances et des mêmes contingences politiques, économiques, sociales et culturelles et a constitué un des principaux foyers de civilisation en Europe. Le passé étant un grand présent, il est impossible de situer l’Alsace et d’en comprendre les réalités sans la prise en compte de ces éléments majeurs. Le fleuve a, ici, bien davantage uni que séparé. Il a été une voie de fertilisation naturelle et culturelle, une charnière, un trait d’union.
La force des choses et la gestion des intérêts communs ont, peu à peu, pris le dessus sur les déchirements des XIXème et XXème siècles. Dès lors, il n’est pas surprenant de retrouver la région du Rhin Supérieur à la recherche d’un avenir, sinon commun, du moins solidaire face aux nouvelles données politiques et économiques. Des tentatives de rapprochement, d’abord timides, plus conséquentes ensuite, se sont concrétisées. A tel point, que certains ont appelé de leurs vœux la constitution d’une « Eurorégio » dotée d’un statut politique : une sorte de district sous souveraineté directe de l’Europe. Mais on n’en est pas là. Par contre la coopération, notamment économique et culturelle, a beaucoup progressé. Interétatique par essence, elle a posé et pose toujours un certain nombre de problèmes.
Evidemment, les Cantons suisses peuvent décider librement de leurs engagements sans avoir à en référer, pour ce qui les touche, à leur instance supérieure. Il n’en est pas de même pour les Länder allemands et encore moins pour les Régions françaises, qui ne disposent elles que de très peu de liberté d’entreprendre. Les choses ne se font donc pas sans difficultés. Là aussi, il s’agit d’obtenir pour l’Alsace des libertés nouvelles.
L’Alsace et plus particulièrement Strasbourg se sont engagées depuis quelques décennies dans une politique de coopération transfrontalière économique, politique, sociale et culturelle avec ses voisins et partenaires du Rhin Supérieur et un peu plus récemment avec ceux de l’Euro-District. Cette stratégie d’alliance n’est pas le fruit du hasard. Elle participe de la construction de l’Europe et de sa recomposition actuelle. Elle est déterminée par la nécessité économique et prend appui sur des données géographiques et historiques. L’Alsace et Strasbourg se doivent de vivre à 360 degrés et de tirer avantage d’une situation privilégiée au cœur du Rhin supérieur et de la « Grande Dorsale Européenne », centre de gravité principal de l’Europe économique. Nous voulons que cette coopération devienne véritablement démocratique, qu’elle soit soulagée des pesanteurs historiques et dispensée d’une certaine arrogance française, et que les partenaires disposent selon le principe de subsidiarité des mêmes modalités politiques, en tout cas qu’ils utilisent d’ores et déjà tous les moyens à leur disposition.
Annexe 9 : De la culture régionale
D’un point de vue assez courant, la culture est comprise comme une entreprise politique et sociale. Partant de là on cherche à dresser un catalogue de valeurs à affirmer, perçues comme des conquêtes d’une société et auxquelles on ne saurait renoncer, ni dans le temps, ni dans l’espace, ni collectivement, ni individuellement. La culture se trouve ici située dans ce que l’on doit savoir ou croire pour agir dans le cadre politique et social. Reste posé le problème du ce que chacun doit savoir ou croire. Il faut, certes, reconnaître dans la culture d’une société un système de normes et d’interprétations avec lesquelles cette société traduit les faits et les réunit en assemblages sensés. Mais il faut aussi se questionner sur les causes de la naissance, du maintien ou du changement de telles sortes de systèmes et sur les rôles qu’ils entendent faire jouer.
La culture n’est ni un héritage biologique, ni un héritage patrimonial. Elle n’est pas un « donné ». Elle s’acquiert par l’échange, se maintient, se transforme. Ainsi en va-t-il des cultures comme des identités, même si les deux concepts ne se recouvrent pas exactement. Aucune n’est figée, uniforme ou absolue. Aucune ne peut se passer d’un sentiment d’incomplétude. Toutes sont des constructions élaborées dans l’interaction entre les individus ou les groupes, qui crée une dynamique d’acculturation réciproque et d’identification, c’est-à-dire une permanence d’échanges, une alternance d’assimilation et d’accommodation, de déconstruction et de construction d’éléments culturels ou identitaires variés, ce que Denys Cuche appelle la « culturation ». C’est par ce marché culturel et identitaire que l’on peut comprendre une culture, une identité.
Avant de dire, la culture alsacienne ou l’identité alsacienne c’est ceci et pas cela, il faut voir sous quelles influences elles se trouvent, comment elles se structurent. La culture se construit au travers de l’interculturalité par acculturation dans un continuum culturel. Et c’est dans ce cadre là qu’il convient de situer la culture alsacienne. Ce libre jeu d’influence et de réciprocité est hélas très souvent entravé par des politiques d’acculturation forcée, c’est-à-dire d’imposition culturelle et de domination.
Définir la culture alsacienne, ce n’est pas dire toute la culture, c’est utiliser une part de la culture en Alsace afin de relever des différences ; c’est l’inscrire dans une stratégie identitaire. Ce faisant, c’est l’identité qui fait la culture. L’identité culturelle est une mise en exergue de la part ou des parts de la culture que l’on inscrit dans une politique identitaire et non pas un descriptif des caractères distinctifs. Un dessein et non un dessin. La culture alsacienne est un élément de la culture en Alsace. Mais donner un contenu identitaire à la culture, ce n’est pas seulement souligner la différence, c’est aussi conférer de l’appartenance à qui s’y identifie. Parler d’identité bilingue, c’est mettre en perspectives identitaires les aspects linguistiques d’une culture qui entend être bilingue. Parler de culture bilingue, c’est développer une stratégie pour une culture, et non pas une culture pour une stratégie. C’est en fonction d’une stratégie identitaire que les cultures identitaires sont construites. Si de nos jours des pans entiers de la culture alsacienne disparaissent, c’est parce que cette dernière n’est pas inscrite dans une stratégie identitaire alsacienne. La seule stratégie identitaire qui a véritablement cours en Alsace, c’est celle qui consiste à construire, notamment au travers de la socialisation la seule identité unidimensionnelle française. La culture alsacienne ne pourra retrouver toute sa place que dans la mesure où la stratégie identitaire française s’ouvrira à la pluralité.
L’Alsace a été de tout temps une région de passage et d’accueil de populations venus d’horizons divers. La culture en Alsace, comme la culture en France est diverse et plurilingue. Il s’agit de gérer cette réalité et de donner à cette diversité et à ce plurilinguisme les droits culturels qu’ils justifient par leur existence même, par la part d’humanité qu’ils représentent et par les perspectives qu’ils ouvrent. Il faut régionaliser la diversité dans un objectif d’union. Ce très beau mot connote à la fois fraternité, solidarité, convivialité, altérité, Alsace. L’union doit inciter la Région à soutenir par des choix financiers une culture ouverte ; une culture partagée et multiple, à tous les niveaux, dans laquelle puissent s’épanouir les diversités culturelles, une culture animée, réservoir mobile de diversités vivantes ouvertes à l’Autre. Il faut encourager la création de lieux de rencontre et d’expression plurielles.
Annexe 9 : Du Conseil culturel alsacien
Dans le but d’assurer une meilleure prise en charge des besoins d’ordre linguistique et culturel des habitants de la région, un meilleur accès à la chose culturelle et un rééquilibrage des différentes formes de culture, la politique linguistique et culturelle régionale doit être élaborée dans la région par une institution de caractère démocratique, qui prendra le nom de Conseil Culturel d’Alsace. Sa mission ne sera pas de définir une culture officielle pour l’Alsace, mais d’étudier et de proposer les moyens à mettre en œuvre pour satisfaire les exigences d’une conception active de la culture où l’individu et la collectivité sont porteurs de projets culturels et davantage créateurs que consommateurs de culture.
Il sera composé de représentants du mouvement associatif, culturel et syndical, de représentants de le Région Alsace et de personnalités diverses, en particulier issue de l’immigration. Il sera doté de moyens financiers propres, disposant d’un bureau et de commissions spécialisées. Il sera représenté dans toutes les instances où se prennent des décisions d’ordre linguistique et culturel.
Annexe 10 : De l’identité alsacienne
Essayer de donner une définition de l’identité des Alsaciens est chose bien complexe, parce que faute d’une socialisation propre et d’une stratégie identitaire claires et affirmées, la mémoire et la conscience collectives alsaciennes restent diffuses, et aussi parce que les déterminants identitaires alsaciens sont variés et contradictoires, dans le temps et dans l’espace. Il y a donc probablement autant de définitions de l’identité alsacienne qu’il y a d’Alsaciens.
Mais plutôt que de chercher à définir l’identité alsacienne, il est sans doute plus intéressant de savoir pourquoi on se réfère à elle, pourquoi elle existe, se maintient ou décline et surtout ce que l’on entend en faire et comment ? Etre soi tout en intégrant l’autre, vivre la pluralité ou disparaître, voilà le formidable défi que l’avenir lance aux Alsaciens. Parler d’identité alsacienne n’a de sens que si celle-ci se veut être une et diverse, c’est-à-dire ouverte à l’échange, à l’altérité. Il n’y a rien de pire que de se crisper sur un passé qui est justement passé, es war einmal und kommt nie wieder, ou de changer pour le changement. Il s’agit de faire évoluer les choses dans le bon sens, d’assumer notre responsabilité et de s’affirmer dans l’interaction. Il s’agit de vivre ensemble. « Le Dasein est un Mitsein ».
Il importe que la Région n’oublie pas qu’elle est alsacienne et de surcroît qu’elle réaffirme fortement cette appartenance, à la fois pour donner une image claire d’elle-même, pour chanter juste. La Région a tout à gagner à trouver un équilibre heureux entre l’histoire, toutes les histoires, entre la culture, toutes les cultures qui l’ont construite et continuent à la construire. Elle se valorisera en les valorisant toutes, notamment celles « mitteleuropéennes » et celles dites populaires. Ce faisant, cette appartenance là n’est pas un repli ou un enfermement. Elle est ouverture et déploiement. L’identité alsacienne naît de la rencontre d’identités individuelles partageant un sentiment d’appartenance et la volonté d’être et de vivre ensemble. L’identité alsacienne n’existe donc pas en soi, ni par soi. Elle ne s’hérite pas. Non seulement on ne naît pas Alsacien, mais on le devient… ou pas. Elle s’acquiert en fonction d’une socialisation, notamment à l’école, décidée par la collectivité pour la construire. Et comme cette construction n’existe pas ou très peu, il n’est pas surprenant que de plus en plus d’Alsaciens ne développent qu’une identité incertaine et diffuse, souvent fondée sur le refoulement et la résignation. Alors, La région Alsace, fière de son passé et illustrant une francitude ouverte et plurielle ou Région refoulant sa part de germanitude, repliée sur ses problèmes franco-français et satellisée par Paris ? Ou Région alsacienne ? Nous voulons que la Région joue la carte alsacienne, celle d’une Alsace fière de ses composantes passées et présentes. Ce faisant, la région se construira un avenir européen exemplaire et cette fierté rejaillira sur ses habitants. Un chantier parmi bien d’autre devrait être la réalisation d’une maison de l’histoire et la culture en Alsace.
Annexe 11 : Des médias publics
Légitimité et objectivité de l’information devraient constituer la base déontologique de quiconque détient une parcelle du pouvoir et du contre-pouvoir d’informer. Toutes les opinions devraient être représentées et le nécessaire débat devrait toujours rester constructif. Dans la réalité, les choses sont un peu différentes. Les interdépendances entre médias, politique et marché, qui se sont concrétisées, ont fait naître, d’une part, des monopoles locaux de l’information financés par des groupes restreints d’acteurs socio-politiques et, d’autre part, d’énormes concentrations médiatiques. Le souci de la carrière politique ou celui de la propagation de pensées politiques partiales ou de la réussite économique ne laisse que peu de place aux idéaux premiers ou souhaités. Soumises à la massification et au taux de pénétration ou d’écoute, c’est-à-dire à la loi du marché et de la publicité, elles pratiquent, pour se vendre et vendre leur production, la politique du plus petit dénominateur commun, qui est souvent très petit pour ne pas dire très bas.
La station France 3 Alsace et Radio bleue Alsace qui n’ose que trop peu s’intituler Elsass devront être transformées en véritables stations régionales, c’est-à-dire libérée de la « tutelle parisienne ». Elles seront également indépendantes du pouvoir politique et du pouvoir économique. Les services publics de radio et de télévision devront assurer une parité des langues dans le cadre de leurs émissions et, ce faisant, garantir l’expression bilingue de la culture en Alsace. Toutes les cultures présentes en Alsace doivent y trouver une place conséquente. Elles contribueront à la promotion, d’une part, d’une expression bilingue de la culture en Alsace et, d’autre part des réalisations plus particulièrement régionales, qu’il s’agisse du livre, du théâtre, du cinéma, aux publications, des manifestations culturelles… Leur personnel devra être progressivement bilingue. Leur conseil d’administration respectif sera composé de représentants des instances de radio et de télé, de la Région Alsace, du personnel, des usagers et du Conseil culturel alsacien, qui reste à créer. Autre problème.
Annexe 12 : De l’économie sociale de marché
L’économie sociale de marché, die soziale Marktwirtschaft, également appelée capitalisme rhénan, constitue une alternative au capitalisme sauvage ou ultralibéralisme et à l’économie centralisée et dirigée. Elle se donne pour objectif de lier l’économie de marché et la justice sociale. L’économie de marché développe notamment la liberté d’entreprendre, la loi du marché, la libre concurrence, la propriété privée des moyens de production. La justice sociale repose sur un souci d’éthique, à savoir la juste répartition des richesses produites et le bien-être de tous. La première et décentralisée, chaque entreprise est à la fois libre et responsable de ses choix économiques, la seconde est centralisée, en ce sens qu’il revient aux instances collectives, en particulier à l’Etat, d’assurer la répartition par la régulation, en intervenant, moins sur le marché qu’en redistribuant les revenus indirects, non en tant que producteur, mais en tant que détenteur du pouvoir démocratique de réglementer.
Annexe 13 : Du développement durable
Il s’agit, selon la définition donnée dans le rapport Brundtland, d’ « un développement qui répond aux HYPERLINK « http://fr.wikipedia.org/wiki/Besoin » \o « Besoin » besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de » besoins « , et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »
Annexe 14-1 : Du vivre ensemble
Il y a un réel problème du vivre ensemble dans nos sociétés post-modernes, en particulier dans nos villes. L’importante croissance des revenus au cours des décennies de l’après-guerre et du temps libre ont permis d’élargir considérablement les potentialités de l’individu et ont, en même temps, réduit la prégnance du groupe social. Tout cela, accompagné par les effets d’une fréquentation télévisuelle et cybernétique boulimique, de l’urbanisation, de la régression des réseaux de vie sociale et de tendances « pernicieuses » de la recherche de la réussite économique, a conduit à une individualisation qui prend de plus en plus la forme d’une rupture des rapports sociaux traditionnels conduisant dangereusement à la « mort du social » et d’une indépendance revendiquée installant souvent un esseulement de l’individu propice à toutes les manipulations et à toutes les dérives politiques. Que signifie vivre bien ? Qu’est-ce qui est important au-delà des intérêts privés ? Sinon vivre ensemble et pour que le vivre ensemble demeure une valeur, il est urgent de s’engager et de lutter pour elle. Les tendances à la désolidarisation et désintérêt de la chose publique ne sont pas naturelles. Confiance et solidarité doivent avoir de l’avenir. Seul le vivre ensemble rend la vie vivable. Il importe donc plus que jamais nécessaire que la Région se dote des ressources humaines et financières pour développer une culture du vivre ensemble créant du lien social et du respect entre individus égaux et différents.
Annexe 14-2 : De la sécurité
Le mal-être des personnes qui se livrent à des actes d’agressivité et de violence ne s’ancrent pas uniquement dans la seule question sociale. Que ressentent les individus qui ne se sentent véritablement vivants que lorsqu’ils sont agressifs ou violents ? Et pourquoi certains se soumettent-ils de manière pathologique à d’autres, à des groupes ou à des bandes alors que ceux-ci les ont blessés ou traumatisés. Où se situent les causes d’un tel comportement autodestructeur. Sans qu’ils en soient conscients du dénigrement et de la haine de soi se sont installés au cours de l’enfance dans leur plus profond d’eux-mêmes. Ils recherchent la délivrance à l’extérieur où attendent des « faux-dieux » promettant de l’amour pour en réalité les embrigader. Ils suivent ceux qui les méprisent, parce qu’ils haïssent la victime qu’ils portent en eux. .Ainsi s’explique l’amour à l’envers. Ils aiment, ce qu’ils haïssent et haïssent ce qu’ils pourraient aimer. L’agressivité et la soumission s’ancrent dans une absence d’autonomie individuelle. Il ne s’agit pas d’excuser, il s’agit de comprendre. Police et justice doivent pouvoir faire leur travail, tout leur travail, parce que la sanction juste et comprise est un excellent moyen, parmi d’autres, d’éducation. Mais en même temps il y a un devoir de la société envers ceux qui n’ont pas pu se construire une personnalité équilibrée ou qui se trouvent à la dérive. Et pour cela il faut une politique régionale qui se consacre véritablement aux besoins de l’Homme, à sa détresse existentielle et à son aspiration à la dignité et qui développe une véritable culture de l’autonomie individuelle faisant concorder les sentiments et les besoins. Cela doit évidemment s’opérer dans le sérieux et la crédibilité qu’exige l’ampleur du problème et non par des poses médiatiques. Les fausses promesses ne font qu’amplifier les problèmes. Il convient de créer des maisons de l’enfance et de l’adolescence, des maisons des parents, des points d’accueil psychologique dans les écoles, des médiateurs dans les lieux publics…
Annexe 14-3 : Du principe d’éthique
Le principe d’éthique doit être appliqué à la vie en société et partant à la vie politique et démocratique. Faire de la politique c’est se confronter avec les conflits de l’homme, c’est-à-dire avec les tensions entre la raison et le sentiment, la passion et la discipline, les idées et la rationalité critique, l’intérêt et la morale, l’opinion et la responsabilité. Quoi que l’on fasse, il ne faut pas le faire contre sa propre volonté ni contre l’humanité. Chacun doit agir de telle sorte que les principes qu’il met en œuvre pour gérer son rapport aux autres puissent aussi servir de règles pour tous. C’est un « impératif catégorique ». La liberté n’existe que communément. L’égalité ne prend de sens que dans l’égal accès au bien commun. La fraternité ne se réalise que dans l’établissement de solidarités. Le principe d’éthique doit toujours être placée au cœur des choix politiques, et non pas le souci de la carrière politique ou le plaisir narcissique. Sans éthique tout n’est que leurre ou exploitation.
Annexe 14-4 : De la post-modernité
L’homme est de plus en plus perdu dans la masse, l’individu de plus en plus atomisé et le citoyen de plus en plus ignoré (les consultations restent très espacées, par contre la réglementation explose). Les liens traditionnels (églises, armées, syndicats, associations, partis politiques…) se distendent ou disparaissent. Toutes choses qui renforcent la domination et conforte l’irresponsabilité. Ainsi désintégré, sans lien réel, ni avec les autres, ni avec lui-même, « fabriqué » par le libéralisme ou par le communautarisme, il en vient facilement à ne plus penser qu’à ses propres droits, à ne mesurer la valeur des choses qu’à son unique avantage ou à se décharger fatalement sur le groupe, en tous les cas à se désolidariser, voire à basculer dans l’asociabilité et dans la violence. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’idéal de liberté, d’égalité et de solidarité et leur juste articulation ne sont pas réalisés. Et des crises politiques, sociales et culturelles se sont installées : ambiguïté du présidentialisme, impuissance du parlement, relâchement de la volonté politique, dépérissement de l’autorité, dilution de la responsabilité, désintérêt de la chose publique, défection de l’électorat, mise en cause des dirigeants, amputation de l’espace et du débat publics, perception de la politique comme une prestation de services, affaiblissement de l’esprit critique au profit de l’esprit de critique, dépolitisation des citoyens, perte des repères, incompréhension du sens des clivages et des solidarités, privatisation de la vie, régression du civisme, malaise de la sociabilité, invitation à l’apathie et à l’inaction par les médias, mise en assistanat et désengagement des citoyens assurés de leur part de l’Etat-providence, rejet de l’Autre et de sa différence. Il s’agit de moderniser la démocratie, et moderniser la démocratie, c’est aussi démocratiser l’Alsace !