Le non l’a certes emporté, mais ce n’est pas vraiment un non au projet qui était proposé aux électeurs. Il a de multiples autres fondements. Et c’est le cumul de ces autres fondements, qui finalement a eu gain de cause. A savoir :
- La confusion entretenue volontairement ou pas entre département et conseil général. De ce fait beaucoup pensaient qu’on allait supprimer et/ou fusionner les départements. Ces derniers sont des subdivisions administratives de l’Etat. Ils n’étaient pas concernés par le référendum. Cette confusion a beaucoup pesé dans la Haut-Rhin et elle a été entretenue par quelques grands élus.
- La politique politicienne et ses règlements de compte, ses positionnements par rapport aux élections à venir, ses atermoiements, ses agissements et son sapage de l’opération en sous-main, son manque de franchise et d’honnêteté intellectuelle… Pour beaucoup d’élus, la politique politicienne a été placée au-dessus de l’idée d’Alsace.
- L’image négative de la classe politique en général, fondée ou pas, alimentée encore par de récentes affaires, que la politique politicienne entretient et renforce auprès des électeurs prompts à casser de l’élu et à rejeter tout ce qui émane d’eux. Beaucoup d’électeurs n’ont de ce fait pas répondu à la question posée ou se sont abstenus, comme c’est souvent le cas pour un référendum.
- L’investissement très fort en fin de campagne des tenants du non, souverainistes et nationaux-républicains confondus, tous jacobins de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, tous adeptes d’un national-conservatisme, à grand renfort de ténors nationaux, jouant sur les peurs et sur les dangers qui menaceraient la République, criant à la fin de la France.
- Un manque de culture politique. Que peut signifier rénovation de la démocratie pour qui n’y est pas préparé. Quelle importance accorder à un référendum, pour qui n’est consulté que dans le cadre de la démocratie intermittente (on ne se souvient du citoyen qu’à l’approche des échéances électorales).
- L’insuffisance d’affirmation de l’identité alsacienne. Plus d’Alsace aurait été un slogan nécessaire et porteur par accompagner le plus d’efficacité et plus d’économie. Certes l’identité collective des Alsaciennes et des Alsaciennes est d’abord une identité collective française (l’école et les médias font leur travail), pour autant ils ne renoncent pas à une part d’identité alsacienne et sont en attente de sa reconnaissance et de sa valorisation. Le seul discours identitaire qui a été tenu entre les mots et les lignes ou ouvertement a été celui qui fait l’apologie d’une identité française unidimensionnelle, une identité qui exclut l’altérité, une identité qui serait menacée par la diversité. Personne n’a évoqué une identité française et alsacienne basée sur une possible et nécessaire union dans la diversité. L’apparition de concepts nouveaux comme celui d’une identité départementale a aussi quelque peu perturbé les esprits. Mais qu’est-ce qui serait haut-rhinois ou bas-rhinois qui ne serait pas alsacien ?
Le vainqueur du référendum, c’est le non… pour le moment. Mais l’idée d’Alsace sort vainqueur du scrutin. Le oui est largement majoritaire en Alsace. Le vote du Haut-Rhin n’est pas un vote contre l’idée d’Alsace, c’est au-delà des fondements évoqués ci-dessus un vote contre un supposé centralisme strasbourgeois.
Il y a des échecs qui génèrent une prise conscience. Une chose a été mise en route, qui ne s’arrêtera pas. Contrairement à ce qu’a dit un commentateur politique, qui utilise les plateaux pour diffuser son idéologie jacobine, ce non ne signifie pas la fin de l’idée d’Alsace, la fin d’une époque, bien au contraire. On va bientôt s’apercevoir en Alsace, comme dans toute la France qu’une réforme profonde est nécessaire, qu’il doit être mis fin au bridage de l’initiative régionale, à l’inertie que provoque le centralisme et à l’étouffement de la diversité.
Le vainqueur, c’est le statu quo… pour le moment. Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais avec entre autres une dette abyssale et des prélèvements obligatoires et un chômage records, on ne tiendra pas longtemps. La crise est là plus grave que jamais. La France ne pourra plus longtemps faire l’économie d’un aggiornamento. Demain la question de la démocratie régionale participative et délibérative sera reposée.