Les Églises en Alsace, tant catholique que protestante, sont-elles (encore) des Églises d’Alsace. Si c’est oui, cela justifierait le maintien du Concordat et des lois organiques en leur faveur. Rappelons brièvement que leur statut particulier provient du fait de la non-application en Alsace de la loi française de 1905 organisant la séparation des Églises et de l’État. À ce moment-là, l’Alsace était allemande.
Après 1918, la question de l’ajustement des provinces recouvrées sur la législation française s’est posée, notamment celle de la séparation des Églises et de l’État. Il ne s’est pas fait sur ce dernier point et les règles d’avant 1870 ont été maintenues. Sur cette question comme sur beaucoup d’autres, les Alsaciens tenaient grandement à leurs particularismes et se sont battus dans l’entre-deux-guerres pour leur maintien. En matière d’Églises, les Alsaciens étaient aux côtés de leurs Églises et les Églises d’Alsace étaient aux côtés des Alsaciens[1].
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les Églises sont-elles encore d’Alsace ou ne sont-ce simplement que des Églises de France en Alsace ? Autrement dit sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres un alignement s’est opéré. Des pans entiers d’une approche alsacienne de la communion des chrétiens et de l’identité collective ont été abandonnés[2]. Et les Alsaciens ne retrouvent plus leurs particularismes dans leurs églises.
Que sont devenus par exemple les Vater Unser- der du bisch[3] et les groβer Gott wir loben dich ? Sur ce sujet ne se sont-elles pas soumises aux tenants du monolinguisme français, qui au demeurant sont souvent les mêmes que les égalitaristes et laïcards extrêmes, leurs pires adversaires. En institution autonome de la société alsacienne, elles auraient pu adopter une gestion autonome de la chose linguistique alsacienne. A leur décharge, on dira qu’elles se sont soumises au principe de réalité.
Où donc se trouvaient les Églises lorsque l’institution politique régionale a été liquidée. Où sont-elles lorsque les Alsaciennes et les Alsaciens se battent pour que l’Alsace retrouve une institution politique pleine et entière à même de gérer les dossiers alsaciens, y compris celui des cultes. Elles apparaissent aujourd’hui comme hors sol, hors politique ? Pourquoi cet effacement ?
Si les Églises en Alsace se dissocient de la société alsacienne sont-elles en droit d’attendre que celle-ci les soutienne lorsque leurs intérêts propres sont remis en question ? Le jour viendra où elles se retrouveront seules face à leurs opposants.
[1] En 1924, 50000 Alsaciens manifestaient place Kléber à Strasbourg en faveur de l’exception culturelle et cultuelle alsacienne.
[2] Alors que la pratique religieuse était il y a 20 ans encore très nettement supérieure en Alsace par rapport au reste de la France, devenue terre de mission, aujourd’hui l’alignement est accompli. Il est évident que des facteurs qui dépassent le cadre alsacien sont intervenus.
[3] Expression utilisée par André Weckmann