Comme ailleurs, l’antisémitisme sévit en Alsace et c’est très grave. Comme d’autres pays ou régions, l’Alsace a été marquée par des périodes de fort antisémitisme, notamment vers la fin du XIXe siècle et entre les deux guerres, où se sont conjuguées dans notre région les influences antisémites française et allemande. C’est une page de l’héritage à reconnaître, tout comme les réactions à cet état de fait, notamment de journaux catholiques (Haegy, Rossé…).
La dictature nazie qui s’est exercée sur l’Alsace a fortement contribué à extirper cet antisémitisme historique en Alsace, car les Alsaciens ont pu voir clairement où il menait. Cette expérience de la 2e guerre mondiale, ainsi que l’expérience d’une population juive fortement intégrée dans la culture spécifique de la région, font que, contrairement à ce qui se dit, et malgré les actes de profanation de cimetière qui sont le fait d’individus isolés ou de groupuscules, la population alsacienne est sans doute moins antisémite que dans le reste du pays et il n’y a pas un antisémitisme propre à l’Alsace. Cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faille pas en Alsace sans cesse remettre le métier et le coeur à l’ouvrage pour dénoncer l’inacceptable et combattre la bête immonde.
L’Alsace souffre en général d’un manque de travail sur son histoire et sa culture, d’une politique dans le sens de ce que les Allemands appellent, Vergangenheitsbewältigung. À vrai dire, les Alsaciens n’ont jamais eu l’occasion de faire ensemble un travail sur leur histoire et leur culture ni d’élaborer ensemble une mémoire collective. L’Alsace a une histoire, mais elle n’a pas de mémoire, c’est-à-dire une histoire partagée et assumée. Mais l’Alsace a-t-elle eu les moyens collectifs, institutionnels, scolaires et médiatiques pour le faire ?
A celles et à ceux qui utilisent l’occasion donnée par les actes antisémites en Alsace pour s’en prendre allusivement aux défenseurs de l’identité alsacienne, nous répondons que ce n’est pas parce que des factieux sans scrupule utilisent le terme d’identité que l’identité n’est pas une cause noble. Ne nous laissons pas manipuler !
La philosophie dans laquelle nous inscrivons notre démarche est celle du post-nationalisme et du principe d’union dans la diversité, celle aussi de l’ouverture et de la pluralité.
Aux tenants du jacobinisme accusateur, nous disons que ces principes ne sont qu’insuffisamment inscrits dans l’habitus français et qu’à une francité fermée et repliée, définie principalement par l’unicité de sa langue, de son histoire et de sa culture, nous préférons une francitude, ouverte et diverse, fondée sur une culture plurielle. C’est en tout cas dans cette francitude-là que nous inscrivons l’alsacianitude.
En guise de conclusion, nous nous permettons de rappeler que nous avons été les premiers à produire en Alsace dans les années 80 une cassette de Jiddisch et, en relation avec le cercle Wladimir Rabi, un livre sur un cimetière juif, celui de Rosenwiller. Nous avons aussi dans les années 80 et 90 organisé des soirées judéoalsaciennes autour de poètes comme Claude Vigée, André Weckmann, Adrien Finck. Et plus récemment, nous avons fait fonctionner au centre culturel alsacien une chorale Jiddisch et toujours et encore donné la parole à des représentants de la communauté juive dans nos conférences, nos livres et nos revues.
Pierre Klein
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