En lançant la pétition en faveur d’une charte linguistique pour l’Alsace, nous avions le quadruple objectif :
- de contribuer à populariser l’idée qu’une langue ne saurait vivre et survivre sans un statut lui assurant une véritable existence sociale,
- de décrire au travers d’un modèle de charte ce qu’il conviendrait de faire,
- de placer devant leur responsabilité celles et ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir, tant au niveau national, qu’en Alsace même,
- d’inviter la population alsacienne à exprimer une demande citoyenne.
Notre concept de la chose linguistique alsacienne ne repose pas sur la défense de ce qui serait une communauté linguistique inscrite en opposition à la communauté nationale. Il s’agit pour nous de valoriser le capital social et humain, que constituent le bilinguisme, une culture multiple et une identité plurielle. Ce capital, fruit d’une géographie et d’une histoire est aujourd’hui très menacé. Au cours des dernières décennies des pans entiers des apports constitutifs de ce capital ont été laissés en friche, sinon carrément démontés. La population alsacienne subi ce faisant les conséquences d’une non mise en œuvre de toutes ses potentialités linguistiques. Elle est de plus en plus privée de la possibilité de tirer avantage de sa situation géographique, de recueillir les dividendes de son histoire et de capitaliser sa culture plurielle. Certes il y aura toujours en Alsace des gens bilingues et plurilingues, mais qu’en est-il d’un véritable bilinguisme et multilinguisme populaires bénéficiant à tous ?
Ce serait un crime que de persévérer dans une politique contraire aux intérêts de la région. L’heure est grave. Le déclin et la régression de la langue régionale sont avérés et les dégâts d’ordre économiques engendrés par cette situation sont dénoncés. Une chaîne de conséquences : beaucoup d’emplois et de marchés perdus, la « transfrontalité » et la place de l’Alsace en Europe entravées, une image brouillée, une identité perturbée, un flou linguistique … Mais les moyens nécessaires à un redressement et à une revitalisation sont encore à portée de mains. Il suffirait de dégager une volonté politique franche et massive.
Une langue ne saurait vivre et survivre sans statut lui assurant une existence sociale, économique et culturelle, seul à même de la promouvoir sur le marché linguistique. C’est essentiel ! Pour se rendre bien compte de ce qu’un tel statut devrait contenir et de l’ampleur de la tâche, nous proposons donc un exemple de charte linguistique pour l’Alsace. Refuser un tel statut revient, consciemment ou inconsciemment, à consentir à la disparition à terme de la langue régionale. Et ce n’est pas en persévérant dans des demis, voire des quarts de mesures, dans la marginalisation et la « folklorisation », que l’on réglera le problème.
Le temps est venu, pour quiconque détient une parcelle de pouvoir, de prendre des décisions intelligentes et courageuses et de trouver une solution juste et exhaustive à un problème alsacien d’aujourd’hui. Engagement et détermination sont demandés, également affirmation de soi par rapport à un républicanisme et un jacobinisme qui restent hostiles.
En ce début de XXIème siècle, pour la première fois de son histoire la langue française est autant et aussi bien maîtrisée en Alsace que dans le reste de la France. Fallait-il que ce résultat soit obtenu au détriment de la langue première, à savoir la langue allemande dans sa double composante dialectale et standard. Nous n’en sommes pas convaincus. Relevons que des générations entières ont été socialisées dans l’ignorance quasi-totale de l’histoire et de la culture telles qu’elles ont été construites en Alsace.
On ne peut s’identifier qu’à ce que l’on connaît, l’aimer aussi ! Et qu’aujourd’hui la très grande majorité des Alsaciennes et des Alsaciens ne s’approprie, ce faisant, qu’une identité unilingue et mono-culturelle. Au point d’ignorer complètement les avantages qu’elle pourrait tirer d’une identité multilingue et multiculturelle. Au point qu’elle ne pose pas particulièrement de revendications. Et la classe politique alsacienne actuelle n’échappe pas à cet état des choses. Nous serions heureux que toutes et tous puisse se livrer à un questionnement et prendre conscience des enjeux. Pour cela, nous invitons à la tenue des états généraux du capital linguistique alsacien, à l’organisation d’un ample débat publique et, après cela, à une consultation référendaire, ou à défaut à une enquête la plus large possible. La population alsacienne n’a été que trop dessaisie d’un dossier qui la concerne au premier chef.
Quoi qu’il en soit, nous allons d’ici quelques semaines interpeller la classe politique, mais aussi les Institutions, et leur demander que tout soit enfin entrepris pour que la population alsacienne dispose à l’avenir des moyens lui permettant de construire ou reconstruire des compétences linguistiques lui permettant de s’inscrire pleinement dans son environnement économique et culturel et de vivre à 360 degrés. Il en va d’une l’Alsace riche de ses langues, de ses histoires, de ses cultures et de ses identités ! Il en va d’une constitution ou reconstitution d’un capital social et humain et de sa pleine exploitation pour le bien de tous ! Serons-nous écoutés ? En tout cas, une demande citoyenne en faveur d’une charte linguistique pour l’Alsace existe. Nous comptons sur vous pour l’inscrire davantage encore dans l’espace public et pour indiquer aux citoyens d’Alsace qu’ils peuvent la signer
Le président