Texte de Patrick KINTZ.
Du millefeuille institutionnel gardons la crème et enlevons la pâte
Il faut économiser, simplifier, moderniser, adapter et avoir une masse critique suffisante pour faire face à la mondialisation… Soit !
Rendez-vous compte la Rhénanie du Nord-Westphalie a 18 millions d’habitants, la Bavière près de 12 millions et le Bade-Wurtemberg 11 millions…
En comparaison les 1,8 million d’Alsaciens sont les grands perdants. Ça coule de source. Une vérité d’évidence.
Dès lors que la situation économique allemande est meilleure que la nôtre, il faut impérativement regrouper. Additionnons les 2,3 millions de Lorrains, pourquoi pas les habitants de Champagne-Ardenne (1,3 million), voir la Franche-Comté (1,1 million) et avec quelque 6 millions de nouveaux régionaux, le sauvetage est en vue… (cela fera toujours deux fois moins que le Bade-Wurtemberg et la Bavière, trois fois moins que la Rhénanie du Nord-Westphalie).
Il n’est de richesse que d’homme, dit-on. Et si cela ne suffisait pas ?
Que donne l’addition sur le plan industriel (puisqu’on ne saurait s’en passer) ?
On n’insistera pas sur la sidérurgie et les mines lorraines… l’automobile va-t-elle encore créer des emplois chez Peugeot en France ?
Et en Champagne-Ardenne, seuls quatre établissements emploient plus de mille salariés.
Certes l’agriculture – et autant la viticulture- y sont les pôles actifs (petite remarque innocente : imaginez que la « région » souhaitée par d’aucuns, fasse la promotion du champagne au détriment du crémant d’Alsace… les futurs élus se lanceront dans des concours de rhétorique, les verres à la main…).
Mais est-ce comme cela que nous lutterons à armes égales avec la Bavière ?
Sérieusement on peut douter que les ajouts purement économiques soient tels qu’un avenir radieux puisse être annoncé par ce biais.
Alors les économies d’échelle ? Pourquoi pas malgré une déconvenue récente. À force de concocter des projets dans le secret des cabinets, les électeurs se rebiffent.
Les Haut-rhinois n’ont pas été si sensibles au cadeau d’un siège régional à Colmar… alors la future capitale régionale sera où ? Nancy est prêt… les professionnels de la justice savent que la ville aspire bien des compétences. Et on dira, mais Strasbourg, vous avez déjà le Parlement européen. Il ne faut pas recentraliser dans la décentralisation…
Autre remarque à propos de la simplification administrative et politique : prenons l’exemple de notre voisin le Bade-Wurtemberg. Pour leur Land, il y a 44 arrondissements, gérés par un Kreistag : par exemple celui de l’Ortenau, en face de Strasbourg, a 88 élus. Au sein de cet espace, il y a en plus de la place pour 51 communes, auxquelles on rattache les responsables élus des petites communes… Au final, y a-t-il vraiment moins d’échelons ? Et l’Allemagne est l’exemple le plus souvent cité. Et l’Autriche ! Aucun des neuf Länder ne dépasse la population de l’Alsace… et la Suisse avec ses 26 cantons ?
Bref, l’argument selon lequel l’importance démographique est un atout pour la force d’une région est à jeter aux orties. La simplicité alléguée des exemples étrangers proches n’est pas convaincante.et l’état des forces économiques des régions de notre Grand Est n’est pas de nature à faire espérer de dot substantielle.
Et l’Histoire ? Ressusciter la Lotharingie ? Nos modernistes ont tous les culots : oser invoquer une situation du 9e siècle dont l’Alsace s’est détachée au 10e et qui comprenait les Pays-Bas, le Luxembourg, une parte de la Belgique ! Évitons le ridicule.
Si l’on pensait à la volonté de vivre ensemble, à la confiance des citoyens –dont les économistes exposent qu’elle est un ingrédient essentiel ?
Cette conscience régionale existe déjà fortement en Alsace depuis des siècles. Pourquoi jeter l’une des composantes majeures de notre identité ?*il y a surement des « mariages » de régions françaises à encourager : je ne verrais que du bonheur à parrainer la Haute et la Basse-Normandie !
Mais pourquoi heurter de front ceux qui ne vient pas leur avenir dans un fourre-tout sans âme ?
Et la Corse ! On l’oublie… Elle ne sera pas concernée… elle a moins d’habitants que la communauté urbaine de Strasbourg. Mais, nous dira-t-on, c’est une île, ça change tout. Ah oui ! C’est la seule raison ?
Aux technocrates irresponsables, aux jacobins impénitents, aux responsables politiques prêts à vendre l’Alsace pour un plat de lentilles, un rappel : qui trop embrasse, mal étreint.