En réaction à l’article du 16/6/2011 intitulé «Coup de canif dans le paritarisme», nous avons proposé aux DNA de publier notre point de vue.
Enseigner moins, pour apprendre plus !
Dans les DNA de ce jour, nous apprenons que Madame le Recteur va introduire à la rentrée un cursus d’enseignement de l’allemand, langue régionale, qui ne repose plus sur la parité horaire français-allemand, véritable acquis régional datant du début des années 1990, véritable capital social aussi. Ce nouveau cursus va consister à enseigner l’allemand et en allemand à raison de 8 heures/semaine au lieu de 12 dans la filière bilingue paritaire actuelle. Et qui plus est, par le même « maître ». Soit ! Veut-on se contenter d’une familiarisation à la langue allemande, rien à redire, mais si comme annoncé ce cursus doit apporter une plus-value à l’apprentissage de l’allemand, là on est au-delà du bon sens ! Enseigner moins, pour apprendre plus !, est-ce là un nouveau concept pédagogique ?
Rappelons que le bilinguisme est un plus qui n’enlève rien ! 2=1+1 ! Rappelons que l’enseignement bilingue paritaire a pour objectif de valoriser et de développer les capacités de élèves à acquérir une deuxième langue et de maîtriser deux langues de manière équivalente afin de leur apporter de réels avantages dont l’aspect économique dans le contexte géographique de l’Alsace n’est pas le moindre. Il prend toute son efficacité en respectant certaines conditions notamment :
● La précocité. Le plus tôt, c’est le mieux, en tous les cas dès le début de l’école maternelle. Les enfants acquièrent les langues tandis que les adultes les apprennent.
● L’horaire. Le minimum est la parité horaire, mais il faut prendre en considération qu’au début l’immersion dans la langue seconde doit être importante et peut diminuer par la suite.
● La durée. L’enseignement bilingue demande un cursus scolaire complet.
● Le principe de Ronjat ou dichotomique. A chaque langue son maître, formé et motivé, et de préférence un « native speaker ».
● L’environnement. Il faut encourager les parents pour qu’ils participent activement, autant que possible, au processus d’acquisition de la langue seconde (chansons, comptines, livres, télévision, voyages…). La langue seconde doit être valorisée. L’enfant doit rencontrer la langue seconde en-dehors de l’école.
Il nous semble évident que si l’on renonce à deux principes majeurs que sont l’intensité et le principe de Ronjat, l’option est prise, au mieux, d’une relative maîtrise de la langue allemande, d’une simple familiarisation au pire, et non plus celui de l’équivalence de compétence. C’est aussi une marche en arrière. Rappelons que dans les années 1990, le système de 6 heures/semaine, a été abandonné par le rectorat parce que jugé inefficace quant à la compétence paritaire.
Il nous semble évident que l’on veut faire des économies là justement où un renforcement était devenu indispensable compte-tenu des bassins économiques et d’emploi dans lesquels l’Alsace est inscrite. Et si l’administration scolaire déplore ne pas disposer d’un nombre suffisant d’enseignants d’allemand, elle ne peut que s’en prendre qu’à elle-même. Ne sommes-nous pas passé d’une situation où la quasi-totalité des enseignants d’Alsace aurait pu prendre en charge l’enseignement de l’allemand à celle d’aujourd’hui où, justement par défaut d’un enseignement conséquent de cette langue depuis des décennies, ce n’est plus le cas. De plus, l’Alsace n’est-elle pas environnée d’un vivier de 100 millions de germanophones. Si donc, il y avait une véritable volonté de développer un enseignement bilingue devant permettre aux élèves d’acquérir une compétence équivalente dans deux langues, il faudrait s’y prendre autrement et l’on pourrait si l’on voulait. Mais il paraît que l’administration scolaire peut le plus avec le moins ! Parions que demain, on nous fera croire que ce nouveau cursus pourra progressivement se substituer à l’existant. Allant de régression en régression, organisant le déclin, faut-il s’étonner qu’à l’heure actuelle, il n’y plus dans les petites sections des écoles maternelles d’Alsace que quelques centaines d’enfants germano-dialectophones. Sin’s doch d’letschte ? Attendons de voir comment va réagir la classe politique en charge de la défense des intérêts des Alsaciennes et des Alsaciens. Pierre Klein