S’il existe bien un catholicisme d’Alsace, un protestantisme d’Alsace, des traditions judéo-alsaciennes, etc., pourquoi une forme alsacienne de tradition musulmane ne pourrait-elle, ne devrait-elle pas émerger ? Ce que l’on veut pour soi ne se justifie moralement que si on le permet aussi aux autres !
La diversité est inscrite dans l’avenir alsacien. Déjà elle est de plus en plus présente et prégnante. Et déjà nous sommes amenés volens nolens à la reconnaître et à la respecter. La reconnaissance de la diversité nous invite à penser les appartenances multiples. La gestion de la diversité nous invite à les faire vivre. Cela implique d’inscrire la diversité dans les principes fondamentaux de liberté, de justice et de solidarité, c’est-à-dire dans la loi fondamentale. Une fois ce socle commun admis et partagé, rien ne doit s’opposer à la reconnaissance et à la gestion de la diversité.
A l’égard de l’islam, on utilise à tort la formule de « culte non reconnu ». Mais le culte musulman bénéficie déjà des particularités alsaciennes et mosellanes : il peut, comme tout autre culte, recevoir des subventions publiques ; il peut bénéficier de cimetières confessionnels, comme c’est le cas à Strasbourg et, s’il n’y a pas de cours de religion musulmane à l’école, ce n’est pas parce que la loi locale l’interdirait.
Les instances représentatives du culte musulman dans notre région sont bien intégrées dans le dialogue interreligieux et entretiennent de bonnes relations avec les responsables des autres cultes. Une écoute mutuelle existe au niveau des institutions, mais aussi des communautés. Ce ne sont pas les responsables religieux musulmans qui accusent le droit local de discrimination, mais les laïcistes français. Les responsables religieux musulmans alsaciens comprennent mieux que ces derniers la dimension culturelle de la religion et donc la prégnance du christianisme en Alsace. Ce n’est pas de leur faute si les Alsaciens d’aujourd’hui perdent leurs traditions religieuses.
Inspiré par le statut local, des propositions ont été faites à plusieurs reprises dans le sens de la création d’une faculté de théologie musulmane dans le cadre de l’université de Strasbourg, à l’image de celles qui existent pour la théologie catholique et protestante. Le sujet est complexe, mais ce sont les réticences juridiques qui sont les moins convaincantes : c’est un aspect bien étriqué de la laïcité que de refuser une approche universitaire et scientifique à l’islam. D’ores et déjà existent à l’Université de Strasbourg des masters d’ « islamologie », permettant d’acquérir « des connaissances de la religion, de la pensée et de la société musulmanes, ainsi que du droit musulman, dans une perspective historico-critique et comparative ». Il faudrait à l’image de ce qui se fait en Allemagne, où la théologie musulmane est présente dans cinq universités (publiques), aller encore plus loin.
Les Alsaciennes et les Alsaciens qui militent pour la reconnaissance de la diversité alsacienne selon le principe de l’union dans la diversité ne peuvent que s’associer à cette démarche.
Nous connaissons les bénéfices pour la région comme pour les cultes concernés de l’existence de facultés de théologie catholique et protestante. Un département de théologie musulmane pour la formation des responsables religieux, des formateurs et des enseignants pourrait constituer un facteur de reconnaissance et de gestion d’un islam d’Alsace.
Il est entendu que le principe d’union dans la diversité exige que l’union se fasse sur les principes de droit, de liberté et de justice, autrement dit sur les lois de la République.