Point de vue – Débats
Pour une mémoire globale de l’Alsace et un droit à la mémoire ouvert à la diversité des mémoires.
Dans l’édition des DNA du 29 octobre 2022, il nous a été donné de lire deux articles, l’un intitulé « L’Alsace annexée absente des manuels scolaires » qui a aussi été publié dans L’Alsace, l’autre titré, l’éditorial du jour, « Droit à la mémoire ». Comme leurs auteurs, nous déplorons l’absence évoquée et comme eux, nous revendiquons un droit à la mémoire. Cependant, nous tenons à élargir leurs propos.
S’agissant de l’absence dans les manuels scolaires, il n’y a pas que celle de l’Alsace annexée qui soit à déplorer, mais bien l’absence d’un enseignement généralisé de l’histoire de l’Alsace, de toute son histoire[1]. La présence de l’histoire de l’Alsace dans les manuels scolaires ne saurait être limitée à la seule période de 1939-1945. Il convient que toute la population scolaire d’Alsace puisse bénéficier d’un enseignement, notamment des riches heures du passé culturel de l’Alsace. L’Alsace a une histoire deux fois millénaire. Elle n’a pas été que victime au cours de son histoire et elle a aussi connu des accomplissements heureux, fructueux et enrichissants.
On ne naît pas Français, on le devient généralement insciemment au travers de la socialisation, et notamment d’une transmission organisée à l’école des éléments identificatoires français, afin de créer sentiment d’appartenance et volonté d’être et de vivre ensemble. Il n’y aurait évidemment pas de problèmes à cela, si ces éléments identificatoires étaient ouverts à la diversité française. Ce qui est loin d’être le cas. Poursuivons. On ne naît pas Alsacien, mais peut-on le devenir sans que l’occasion soit donnée, notamment à l’école, de pouvoir s’approprier les éléments identificatoires alsaciens et, ce faisant, de s’identifier à l’alsacianitude élément de la francitude ?[2]
S’agissant du droit à la mémoire, nous ajoutons qu’il ne prend véritablement tout son sens que dans la prise en compte de la diversité des mémoires. En cela, il s’agit de prendre en compte les justes revendications de la diversité des vécus dans une déconstruction – reconstruction de l’histoire de France permettant à toutes les mémoires occultées de s’inscrire dans une nouvelle mise en perspective, base d’une identité nationale actualisée, ouverte et plurielle.
Il s’agit donc non pas de se soustraire aux principes universels, mais au contraire de considérer que ceux-ci ne prennent véritablement leur sens que si les identités culturelles et les appartenances multiples ne font pas l’objet de discriminations.
- Yves Hemedinger, conseiller d’Alsace, ancien député auteur d’une proposition de loi relative à la généralisation de l’enseignement des histoires, cultures et langues régionales
- Pierre Klein, essayiste, président de la Fédération Alsace bilingue (FAB) et de l’Initiative citoyenne alsacienne (ICA)
[1] Il existe certes un enseignement de la CR (culture régionale) au collège, mais que de culture et qui n’est pas même une option ouverte à tous et qui ne touche que très peu d’élèves.
[2] Par alsacianitude il faut entendre alsacianité ouverte et plurielle et par francitude, francité ouverte et plurielle. .