Pierre Klein
Des initiatives ou des propositions sont apparues ces derniers temps quant à la prise en compte en Alsace de la religion musulmane, en particulier celle qui consisterait à créer une faculté de théologie musulmane dans le cadre de l’université de Strasbourg. Il s’agit d’une proposition formulée de longue date par des éléments importants du mouvement culturel alsacien, reprise par le président Richert, voir DNA du 21 mars dernier.
Les Alsaciennes et les Alsaciens qui militent pour la reconnaissance de la diversité alsacienne selon le principe de l’union dans la diversité ne peuvent que s’y associer. Ce principe implique notamment le très kantien impératif catégorique, à savoir ce que l’on veut pour soi, il faut aussi le vouloir pour les autres, que la reconnaissance et le respect voulus pour soi n’a de sens que si la reconnaissance et le respect sont accordés à l’autre. La diversité est là. Il ne peut être question de la rejeter. Il s’agit prendre acte et de la gérer. Ne nous voilons la face.
L’Alsace a développé tout au long de son histoire une conception propre de la laïcité et a installé apaisement et vivre ensemble. Et un travail est d’ores et déjà entrepris à l’université de Strasbourg pour permettre aux étudiants (pas nécessairement musulmans) qui le souhaitent d’« acquérir les solides bases de connaissances théoriques du fait religieux, du droit et des sciences sociales des religions et acquérir les connaissances de la religion, de la pensée et de la société musulmanes, ainsi que du droit musulman, dans une perspective historico-critique et comparative ».
Est-ce suffisant ? Faut-il, peut-on aller plus loin ?
A l’image de ce qui se fait en Allemagne où la théologie musulmane est présente dans cinq universités (publiques), l’Alsace qui dispose déjà d’une faculté de théologie catholique et d’une faculté de théologie protestante, serait bien placée a priori pour créer une faculté de théologie musulmane et y mettre en œuvre comme en Allemagne un enseignement dont l’objectif devrait être de former des enseignants en religion musulmane pour les écoles, collèges et lycées publics, mais aussi des théologiens au sens universitaire du terme, des imans, et ce faisant contribuer à créer un islam de France. Cependant si les facultés théologiques catholique et protestante relèvent du droit local, il ne pourrait pas en être de même pour une faculté de théologie musulmane. Selon une décision du Conseil constitutionnel, le droit local ne peut être étendu. Une telle création relèverait donc du législateur. S’y résoudrait-il ? Rien n’est moins sûr. Une telle loi contreviendrait au principe de laïcité et à sa perception française. Le débat est-il vain ? L’exception alsacienne n’a-t-elle pas lieu d’être ? La classe politique alsacienne serait-elle derrière ce projet ? Autant de questions qui laissent croire à une utopie. Mais l’utopie n’est pas justement ce qui devrait être ? PK